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Grève au JDD : "Vincent Bolloré fait de la politique, il faut une réponse politique"

Alors que la rédaction du Journal du Dimanche est en grève depuis 28 jours contre la nomination à sa tête du journaliste d’extrême droite Geoffroy Lejeune, une proposition de loi transpartisane sur l’indépendance des médias a été déposée mercredi à l’Assemblée nationale.

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Bientôt un mois de grève, mais la situation reste inchangée. La rédaction du Journal du Dimanche (JDD) a voté, mercredi 19 juillet, la reconduction de son mouvement social contre l’arrivée à sa tête de Geoffroy Lejeune, ancien directeur de la rédaction de Valeurs actuelles, marqué à l’extrême droite.

Pour ce 28e jour de grève, les journalistes du JDD étaient rassemblés dans la matinée aux abords de l’Assemblée nationale, où une proposition de loi transpartisane sur l’indépendance des médias a été déposée. Celle-ci est soutenue par des députés issus de la Nupes, du groupe Liot et de la majorité présidentielle. Les Républicains et le Rassemblement national, eux, ne se sont pas associés à la démarche.


Une telle convergence de vues est suffisamment rare pour être soulignée : on pouvait ainsi voir sur l’esplanade des Invalides, au côté des journalistes du JDD, mais aussi de la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet ou de l’économiste spécialiste des médias Julia Cagé, des députés insoumis (Mathilde Panot, Alexis Corbière), écologistes (Sophie Taillé-Polian, Sandrine Rousseau, Aymeric Caron), socialistes (Olivier Faure, Jérôme Guedj, Iñaki Echaniz), démocrates (Bruno Millienne, Laurent Esquenet-Goxes) et Renaissance (Violette Spillebout, Stéphane Vojetta, Jean-Marc Zulesi) affichant leur soutien avec un autocollant « JDD ».

Le Journal du Dimanche, fondé en 1948 et hebdomadaire central dans la vie politique française, doit passer en octobre au plus tard sous contrôle de Vivendi, le groupe du milliardaire Vincent Bolloré, après une offre publique d’achat réussie sur Lagardère, propriétaire du titre.

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Après le rachat du groupe Canal+ (dont les chaînes C8 et iTélé, rebaptisée CNews), puis du groupe Lagardère (Europe 1, Paris Match et le JDD), cette prise de contrôle du JDD est la dernière étape de la stratégie de Vincent Bolloré, un proche des milieux catholiques traditionalistes qui a construit un écosystème médiatique qualifié « d’extrême droite » par le ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye et qui a notamment mis sur orbite Éric Zemmour lors de la dernière campagne présidentielle.

« Six ans après iTélé, nous revivons la même situation »

« Ce que Vincent Bolloré cherche à travers cet achat c’est la volonté de pouvoir influencer le calendrier politique de notre pays. (…) Il ne cherche pas à informer mais à porter son ombre sur la vie politique française. Vincent Bolloré fait de la politique, il faut une réponse politique », affirme le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure.

« Nous avons clairement indiqué à la SDJ [société des journalistes, NDLR] du JDD que notre proposition de loi ne permettrait pas de mettre un coup d’arrêt à l’arrivée de Geoffroy Lejeune. Ils en sont pleinement conscients, mais ils ont répété cette phrase que l’on entend souvent dans ce type de mouvement : ‘plus jamais ça’. Six ans après iTélé, nous revivons la même situation. Il faut agir », estime le député des Pyrénées-Atlantiques Iñaki Echaniz (PS).


Déposée symboliquement quelques jours avant la clôture des travaux parlementaires et dans l’urgence pour répondre à la situation au Journal du Dimanche, la proposition de loi transpartisane ne sera examinée, au mieux, qu’à la rentrée. Celle-ci vise à conditionner les aides à la presse et ainsi donner davantage de droits aux journalistes. Le texte prévoit que les aides publiques aux entreprises de presse ne soient accordées que s’il existe en leur sein une procédure d’agrément du directeur de la rédaction par les journalistes. La même condition serait posée pour l’attribution d’un canal télé ou radio.

« Les journalistes ne sont pas des salariés comme les autres. Ils bénéficient déjà de la clause de conscience qui leur permet de quitter leur rédaction en cas de rachat. Mais aujourd’hui, il faut aller au-delà des droits individuels et créer des droits collectifs. Les aides à la presse, ça compte. Nous pensons que cette mesure peut avoir un effet assez fort et incitatif à la mise en place d’une procédure d’agrément », affirme la députée du Val-de-Marne Sophie Taillé-Polian (EELV).

« Mépriser l’avis des journalistes, la limite que nous ne voulons pas franchir »

Les députés signataires de la proposition de loi ont précisé en conférence de presse que leur but n’est pas de combattre une ligne politique ou idéologique, ni même d’interdire les médias d’opinion. Ceux-ci doivent et peuvent exister en France, ont-ils dit, mais il est selon eux inacceptable qu’un média déjà existant se voit contraint de changer de ligne éditoriale contre l’avis de ses journalistes.

« Quand un actionnaire rachète [un média], mépriser l’avis des journalistes, c’est-à-dire qu’ils ne puissent pas entrer en compte dans les choix éditoriaux, me semble être la limite que nous ne voulons pas franchir. C’est un combat politique contre une concentration des médias qui pourrait avoir pour effet de limiter le pluralisme en France », juge la députée du Nord Violette Spillebout (Renaissance), tout en précisant que les députés ont veillé à trouver « un équilibre entre la liberté d’entreprendre et la préservation de l’indépendance des journalistes ».

Alors qu’une proposition de loi similaire a également été déposée au Sénat par le socialiste David Assouline, les députés signataires du texte espèrent son examen dans les prochains mois par l’Assemblée nationale. Ils pourraient aussi porter des amendements au projet de loi de finances à l’automne. Mais ils savent que son avenir dépend dans un premier temps de sa mise à l’ordre du jour, largement contrôlé par le gouvernement.

« Si ce n’est pas le gouvernement qui prend la main aujourd’hui, il est tout à fait conscient que les députés de la majorité présidentielle se mobilisent », indique Violette Spillebout, pour qui cette proposition de loi est « un premier pas » avant « les états généraux de l’information » voulus par Emmanuel Macron et annoncés pour septembre, et qui pourraient déboucher eux-mêmes sur une loi d’envergure.


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