L’heureux événement a finalement eu lieu, mardi 11 juillet, à Villers-lès-Nancy (Meurthe-et-Moselle). Très attendue, la naissance était celle d’une fleur aussi somptueuse que monstrueuse, aussi rare que fugace. L’arum titan ne fleurit que tous les trois à dix ans, durant deux ou trois jours. Mais il accouche alors d’un édifice phénoménal, une des plus grandes inflorescences (regroupement de fleurs) au monde, qui peut culminer à plus de trois mètres de haut. Le spécimen du jardin botanique Jean-Marie-Pelt, à Villers-lès-Nancy, pour sa part, a atteint 1,95 mètre, attirant les foules.
Le surnom de ce géant ? « Le phallus de titan ». Amorphophallus titanum, son nom savant, est originaire des forêts tropicales humides de Sumatra (Indonésie). Depuis qu’en 1878 un premier spécimen a été rapporté en Europe, six jardins botaniques en France cultivent ou ont cultivé l’espèce.
A Nancy, les signes avant-coureurs de cette naissance se précisaient. « Ces deux dernières semaines, l’inflorescence grandissait au rythme de 10 à 11 centimètres par jour, son maximum. Mais, depuis trois jours, ce rythme s’est ralenti pour tomber à 1 centimètre par jour, signe d’une floraison imminente », raconte Douglas Tavares-Lisboa, jardinier-botaniste dans cet établissement.
L’inflorescence du titan est une fantaisie de la nature. Ce monument baroque érige une gigantesque colonne charnue, le spadice, entouré à sa base d’une feuille sculpturale, la spathe. Peu avant la floraison, celle-ci déploie son grand manteau pourpre et plissé. « Ça va très vite », note Douglas Tavares-Lisboa. Elle restera ouverte toute la nuit, le temps pour les pollinisateurs, des insectes nocturnes, d’accéder à la chambre florale. Et se refermera aux premières lueurs de l’aube, telle une feuille de vigne drapant la base du spadice.
« La spathe imite la couleur de la chair en décomposition, note Germinal Rouhan, responsable scientifique de l’herbier du Muséum national d’histoire naturelle, à Paris. Pas étonnant alors de voir de nombreux insectes charognards attirés par la plante ! » Dans la nature, ceux-ci – des mouches et de gros coléoptères – vont polliniser les centaines de fleurs femelles (situées tout en bas du spadice) ou mâles (plus au-dessus).
A mesure que l’on se rapproche du monstre sacré, on comprend pourquoi les Indonésiens l’ont nommé bunga bangkai, « la fleur cadavre ». En fleurissant, il émet de méphitiques effluves liés à des composés soufrés issus de la dégradation, par des bactéries, de protéines de plantes ou d’animaux morts. « Dans les jardins botaniques, toutefois, la plante libère souvent des parfums moins intenses ou prolongés », nuance Douglas Tavares-Lisboa.
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