Fin 2006, l’économiste britannique Nicholas Stern a livré un rapport qui a marqué un tournant sur la question du changement climatique. Il y affirmait que, si le coût nécessaire pour atteindre la neutralité carbone en 2050 était « significatif », celui de ne rien faire et de laisser le réchauffement de la planète s’emballer était bien plus élevé. Aux arguments environnementaux évidents pour lutter contre la hausse mondiale des températures, il ajoutait une dimension économique : à long terme, le prix de l’action serait inférieur à celui de l’inaction.
Presque deux décennies plus tard, alors que la planète vient de connaître les mois de juin et de juillet les plus chauds de l’histoire moderne, et que la température des océans a également atteint un record, les économistes d’Allianz se sont penchés sur le coût des canicules qui ont touché les Etats-Unis, la Chine et le sud de l’Europe entre le 1er mai et le 4 août.
Ils en concluent que le produit intérieur brut (PIB) mondial a perdu 0,6 %. La Chine est particulièrement touchée (1,3 % de PIB évaporé), les Etats-Unis nettement moins (0,3 %). L’Europe, elle, se trouve entre les deux : la Grèce et l’Espagne ont abandonné respectivement 0,9 % et 1 % de PIB, devant l’Italie (0,5 %) et la France (0,1 %).
De l’aveu même d’Allianz, ces calculs sont approximatifs et incomplets. Ils ne prennent pas en compte le coût des catastrophes naturelles, comme les feux de forêt, les sécheresses ou les sévères inondations qui les ont accompagnés. Ils se concentrent uniquement sur l’effet bien connu de la chaleur sur la productivité : une journée trop chaude est susceptible de ralentir un chantier, voire d’entraîner sa fermeture temporaire. La même situation se produit dans les exploitations agricoles, où les conditions de travail peuvent devenir insupportables. Or les salariés qui œuvrent dans des lieux non climatisés sont moins efficaces…
« L’équivalent d’une demi-journée de grève »
Moult études ont quantifié ce phénomène et les économistes d’Allianz en reprennent notamment une, menée aux Etats-Unis en 2021, qui soulignait que chaque journée à plus de 90 degrés Fahrenheit (32 °C) faisait perdre 0,04 % de salaire. « C’est l’équivalent d’une demi-journée de grève », relève Ludovic Subran, économiste en chef d’Allianz.
En extrapolant ce résultat au nombre de journées qui ont dépassé 32 °C aux Etats-Unis, en Europe et en Chine depuis le 1er mai, les experts parviennent à leur conclusion de 0,6 % de PIB perdu. « Une partie de cette croissance sera rattrapée dans les mois prochains, par exemple avec des chantiers qui seront terminés plus tard, tempère M. Subran. Mais pas tout : la production agricole perdue, notamment, ne sera jamais rattrapée. Au total, peut-être 0,3 % ou 0,4 % de PIB ne sera pas récupéré. »
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