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Patrick Vinton Kirch, anthropologue du Pacifique, de la truelle à la prose

L'archéologue américain Patrick Vinton Kirch, devant le heiau (temple) Ulupo, à Kailua, Hawaï, le 9 novembre 2023.

Patrick Vinton Kirch marche le long d’un impressionnant empilement de roches volcaniques à Kailua, sur l’île d’Oahu. Voilà plusieurs siècles, c’était l’assise d’un temple, le heiau Ulupo. Dans la plaine adjacente, les paysans élevaient des poissons en étang, cultivaient le taro – une plante tuberculeuse au cœur de leur alimentation – et jardinaient la patate douce, la banane et la canne à sucre. « Ce heiau n’a jamais été excavé », fait remarquer M. Kirch. Habité jadis par des centaines de milliers d’habitants, peut-être près d’un million, l’archipel hawaïen recèle encore bien des secrets.

Et pourtant, si quelqu’un a contribué à élucider les mystères d’Hawaï ces dernières décennies, c’est bien cet archéologue, figure majeure de l’anthropologie du Pacifique, auteur prolifique et membre de la prestigieuse Académie nationale des sciences des Etats-Unis. Déambulant d’un pas irrégulier, M. Kirch, 73 ans, s’adapte encore à sa nouvelle prothèse de genou. « J’ai passé beaucoup d’heures à creuser dans le fond des trous ; voici le résultat », explique ce natif d’Honolulu. A ses chevilles, des tatouages témoignent de ses séjours dans les îles polynésiennes.

Les contributions scientifiques de M. Kirch sont nombreuses. Son travail de longue haleine sur le peuplement du Pacifique a permis de dater la progression des grands explorateurs de la culture Lapita (entre 1 500 et 500 av. J.-C.) et de leurs successeurs, les Polynésiens, qui ont accosté sur l’archipel hawaïen vers l’an mille de notre ère. Et puis, en adhérant aux principes scientifiques de la « nouvelle archéologie » développée au tournant des années 1960, il a déchiffré les structures agricoles, politiques et religieuses de ces îles ; des sociétés complexes, qui atteignirent leur paroxysme à Hawaï au moment de l’arrivée de James Cook, en 1778. « Je me considère comme un anthropologue historique », affirme-t-il.

Une capacité de synthèse exceptionnelle

Le scientifique – longtemps professeur à Berkeley et, depuis 2019, à l’université d’Hawaï – se passionne aussi pour les interactions entre les sociétés humaines et leur environnement. L’un de ses plus récents projets, dans la vallée d’Halawa, sur l’île hawaïenne de Molokai, consiste à comprendre si la très productive culture inondée du taro hypothéquait la teneur en nutriments des sols. Cette pratique agricole, aujourd’hui folklorique, était-elle parfaitement durable ? L’équipe de chercheurs élabore encore sa réponse à cette question qui fait écho à nos préoccupations écologiques actuelles.

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