Beaucoup de jeunes adultes occidentaux ressentent un malaise, dû en partie au changement climatique, mais aussi au ralentissement de la croissance économique des deux dernières décennies. En effet, chaque génération améliore ses conditions de vie et son bien-être en augmentant la productivité du travail, c’est-à-dire la quantité de biens et services qu’une économie produit par heure de travail. Pour doubler la productivité de la génération précédente née trente ans auparavant, la productivité doit croître de 2,3 % par an, en moyenne.
Pendant des décennies, la France a fait encore mieux, en augmentant sa productivité de 2,5 % par an entre 1973 et 2003. Mais, aujourd’hui, ce n’est plus le cas. De 2003 à 2023, la croissance de la productivité n’a été que de 0,4 % par an. A ce rythme, il faudrait cent soixante-quinze ans pour doubler la productivité atteinte en 2003 ! Si, à partir de cette date, la France avait enregistré une croissance aussi rapide que pendant les trois décennies précédentes, sa production annuelle aurait été, en 2023, plus de 50 % supérieure à ce qu’elle a été réellement, soit l’équivalent de 23 000 euros de plus par an pour chaque habitant.
Toutefois, avant que les Français ne se livrent à un examen de conscience national, ils peuvent se consoler à l’idée que la croissance de la productivité après 2003 dans l’ensemble de l’Europe occidentale a été presque aussi lente : 0,6 %, contre 0,4 % (l’Europe occidentale, ou E17, comprend les dix-sept pays qui ne faisaient pas partie du bloc communiste avant 1990).
Temps de latence
La raison essentielle de ce ralentissement général de la croissance de la productivité est simple : les nouvelles inventions ont moins d’effet économique qu’autrefois. Quand on a dix inventions, une de plus augmente le total de 10 %. Mais, quand on a déjà cent inventions, en effectuer une de plus n’augmente le total que de 1 %. Et c’est là le problème : on a déjà beaucoup inventé.
Par ailleurs, certaines des inventions antérieures ont eu une importance exceptionnelle, notamment à la fin du XIXe siècle : l’électricité, le moteur à combustion interne, le téléphone, le phonographe ou la photographie, mais aussi l’eau courante, les salles de bains intérieures et le combat victorieux contre les maladies infectieuses.
Il y a un temps de latence avant que de grandes inventions accélèrent la croissance de la productivité. Aux Etats-Unis, celle-ci a connu son rythme le plus rapide entre 1920 et 1970. En Europe occidentale, les dévastations des deux guerres mondiales ont retardé cette période de croissance rapide aux années 1945-1975, les « trente glorieuses », durant lesquelles la croissance de la productivité en France et dans les E17 atteignait 5 % par an.
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