« Cela vous va si je vous prends la main ? » Ce vendredi 5 janvier, peu après 17 heures, à bord du vol 1282 d’Alaska Airlines, Christopher Hickman, 44 ans, assis au rang 8 d’un Boeing 737 MAX 9 reçoit cette supplique de sa voisine. Selon le récit du Wall Street Journal, quelques instants plus tôt, un grand bang a retenti dans l’avion qui relie Portland (Oregon) à Ontario, un des aéroports de la banlieue de Los Angeles (Californie). Un « bouchage » dans le fuselage, qui remplace une possible porte supplémentaire au rang 26, a littéralement été aspiré. Un enfant voit son tee-shirt arraché, un ours en peluche est aspiré, deux téléphones portables s’envolent dans le vide, les masques à oxygène tombent, la porte du cockpit s’ouvre brutalement.
Chacun pense sa dernière heure venue et envoie des messages à ses proches. Un passager filme le trou béant dans l’avion tandis que le pilote fait demi-tour pour un atterrissage d’urgence. C’est le miracle. L’avion, en phase ascensionnelle, était à moins de 5 000 mètres d’altitude et n’a pas explosé. Les 171 passagers et six membres d’équipage étaient tous attachés à leur siège. Aucune personne n’était assise aux places 26A et 26B. L’appareil se pose à Portland à 17 h 27 sans victime.
Miracle, mais aussi catastrophe pour Boeing. Cette nouvelle défaillance majeure relance la défiance vis-à-vis de ses 737 MAX, après les doubles accidents d’octobre 2018 (Lion Air en Indonésie, 189 morts) et mars 2019 (Ethiopian Airlines, 157 morts) en raison d’un système de stabilisation en vol défaillant. Boeing est-il un constructeur fiable ? L’entreprise espérait en cette année 2024 reprendre le chemin de la croissance et de la sérénité.
Avion flambant neuf
Lundi 8 janvier matin, c’était la défiance à Wall Street. L’action de l’avionneur perdait 8 % en Bourse, tandis que l’attention se portait sur les causes de l’accident. L’Autorité fédérale de l’aviation américaine (FAA) a ordonné l’arrêt pour inspection de 171 MAX 9 de Boeing, qui sont utilisés principalement par United Airlines (79 appareils) et Alaska Airlines (65 appareils) aux Etats-Unis. Les deux compagnies ont dû annuler des centaines de vols. La pièce arrachée de 28 kilogrammes a été retrouvée dans le jardin d’un enseignant de Portland, ce qui va faciliter l’enquête. En revanche, l’enregistrement des conversations dans le cockpit a été effacé faute d’avoir été sauvegardé – au bout de deux heures, la conversation est écrasée par la nouvelle.
De nombreuses questions se posent. Marginalement sur Alaska Airlines. L’avion concerné avait vu un de ses voyants de pressurisation s’allumer lors de trois vols précédents. Impossible de savoir s’il s’agissait effectivement d’un problème de pressurisation ou d’une défaillance du système d’alarme. La compagnie, qui avait décrété que l’affaire était « bénigne », avait quand même eu suffisamment de doutes pour interdire à l’appareil de desservir Hawaï au-dessus du Pacifique. Elle avait ordonné des investigations supplémentaires, mais celles-ci n’avaient pas été accomplies avant le vol de vendredi, ce qui pose des questions sur la célérité des inspections de sécurité.
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