Il est près de 14 h 30, ce mardi 9 janvier, lorsque Gabriel Atttal s’avance lentement vers la rue de Varenne. A 34 ans, Matignon s’offre à lui, promettant de l’inscrire dans l’histoire comme le plus jeune premier ministre de la Ve République. C’en est fini de l’interminable « bulle d’attente » dans laquelle ont été enfermés, selon leurs mots, les membres du cabinet de la rue de Grenelle.
A l’heure de prendre officiellement ses fonctions, Gabriel Attal tient son discours d’une main tremblante, comme pris de vertige. Il a averti d’un coup de fil le patron du parti présidentiel Renaissance, son ancien compagnon, Stéphane Séjourné, avant tout autre responsable politique, de cette promotion fulgurante, six mois après sa nomination au ministère de l’éducation nationale. Gabriel Attal ne vient-il pas de mettre un pied en « enfer », surnom de Matignon, maison capable de laminer une popularité prometteuse et de contrarier les ambitions présidentielles, comme celles de Jacques Chaban-Delmas en 1974 ou d’Edouard Balladur en 1995 ?
Le trentenaire, censé incarner aux yeux du président de la République la « génération Macron », selon la formule de l’Elysée, comme il y eut une « génération Mitterrand », croit en son étoile. « Le plus jeune président de la République de l’histoire a nommé le plus jeune premier ministre de l’histoire », lance-t-il aux côtés d’une Elisabeth Borne résignée à rejoindre les bancs de l’Assemblée nationale en tant que députée du Calvados. Faisant de sa jeunesse un gage « d’audace », Gabriel Attal promet d’emmener « à Matignon la cause de l’école », la « mère de toutes les batailles », dit-il, pensant remédier avec cette formule à la frustration de professeurs abasourdis par son départ précipité du ministère.
Répétant la « gratitude » qu’il éprouve envers le chef de l’Etat, il répond à ceux qui interrogent le sens de sa nomination en s’érigeant en « symbole de la confiance accordée à la jeunesse, cette génération qui mérite que l’on se batte pour elle sans relâche », et pointe sa préoccupation envers les classes moyennes, « cœur battant » du pays, qui travaillent mais « ne s’y retrouvent plus ». Puis conclut son discours par un mot pour les oppositions, qu’avait souvent fustigées sa prédécesseure. « Je leur dis que nous avons en commun le destin de notre Nation », lance-t-il, avant de filer dans le Pas-de-Calais au chevet des familles sinistrées par les inondations.
« La solidarité des marins »
Dans la soirée, Emmanuel Macron l’attend à l’Elysée pour plancher sur une nouvelle équipe gouvernementale, attendue dans les jours à venir. Avant 23 heures, Gérald Darmanin, mis à mal par le fiasco de la loi sur l’immigration qui a déchiré le camp présidentiel fin décembre 2023, fait savoir par son cabinet être « assuré » de rester place Beauvau. En revanche, les ministres qui, lors de l’adoption de ce texte voté par l’extrême droite, ont fait part de leur malaise, comme Clément Beaune (transports), sont inquiétés. « Emmanuel Macron pense qu’en temps de tempête, il vaut mieux avoir la solidarité des marins », cingle-t-on à l’Elysée.
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