Kelly Hall se considère comme une vieille routière de la contraception. A 34 ans, cette ingénieure, employée de la ville de Seattle (Washington) et mère de trois enfants, pense avoir « à peu près tout essayé ». La pilule, bien sûr, ou plutôt les pilules. « En dehors des désagréments, j’étais surtout incapable d’y penser chaque jour. J’oubliais, et il fallait attendre le cycle suivant. » L’injection hormonale, censée bloquer l’ovulation pendant douze semaines : « Je n’ai pas eu de règles pendant neuf mois. » Elle a alors tenté l’implant, posé sous la peau du bras, pour une durée de trois ans : « J’ai saigné pendant neuf semaines. Le médecin l’a retiré. » Elle s’est rabattue sur l’anneau vaginal. Mais il tombait. Comme est tombé le premier stérilet qui lui a été installé. « Le deuxième, il a perforé mon utérus et s’est retrouvé dans l’intestin. Il a fallu m’opérer en urgence. Disons que je n’ai pas eu beaucoup de chance avec les contraceptifs féminins. »
Aussi, quand elle et son mari, Jon, ingénieur chez Blue Origin, l’entreprise spatiale fondée par Jeff Bezos, ont découvert l’annonce publiée par l’université de Washington, en 2019, ils ont tout de suite réagi. L’équipe de Stephanie Page cherchait des volontaires pour participer à l’essai clinique international d’un contraceptif masculin baptisé NES/T, piloté par les National Institutes of Health (NIH), représentant l’agence fédérale de la recherche médicale. Cette fois, ce serait lui qui devrait étaler, une fois par jour, sur ses épaules, et pendant un an, un gel hormonal, composé d’un progestatif, la Nestorone, et d’un dérivé de testostérone, capable de supprimer la production de spermatozoïdes. « Je ne craignais pas d’oublier, je prends déjà un médicament quotidien à cause d’une maladie de la thyroïde. S’il devait y avoir quelques effets secondaires, disons que ça serait mon tour. Depuis longtemps, je voulais prendre ma part de l’effort et soulager Kelly. Mais je n’étais pas prêt émotionnellement pour la vasectomie. Là, c’était réversible. Et avec cet essai, on faisait avancer la science. »
Les résultats, sur 200 volontaires, devraient être rendus publics dans les mois à venir. Mais « ils vont dépasser tous nos espoirs », annonce déjà Diana Blithe, qui coordonne cette recherche aux NIH. Elle qui se dit « d’une nature prudente, le genre qui voit souvent le verre à moitié vide », parle déjà du futur essai de phase 3 et de la commercialisation qui suivra. « Cela fait trente ans que l’on dit “dans dix ans” mais cette fois j’en suis assez convaincue : dans dix ans, on devrait disposer d’un contraceptif efficace, réversible et pratique pour les hommes. »
Il vous reste 85% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.