Officiellement, la bataille des européennes n’est pas la « raison première » du choix surprise de Gabriel Attal pour Matignon. Après dix jours de consultations, seul le « projet de réarmement et de régénération » de la France aurait déterminé la décision du président de la République, assure l’Elysée. Mais « il n’est pas interdit, quand on est président de la République, de penser aux échéances électorales à venir », admet-on dans l’entourage d’Emmanuel Macron. Surtout lorsqu’il s’agit d’échéances qui touchent au cœur de l’identité politique du chef de l’Etat.
Alors que le camp présidentiel n’a toujours pas de tête de liste pour les élections européennes du 9 juin, le Rassemblement national (RN) caracole en tête des sondages, une dizaine de points devant la liste Renaissance-MoDem-Horizons. Le RN était arrivé en tête en 2019, avec comme tête de liste Jordan Bardella. Les sondages font craindre au chef de l’Etat un revers électoral majeur au niveau européen, son terrain de prédilection. Un échec dont il se remettrait difficilement sur le plan national, à trois ans de la fin de son mandat. « Emmanuel Macron ne peut pas perdre ces élections, observe le constitutionnaliste Benjamin Morel. S’il les perd, alors qu’il ne peut pas se représenter en 2027, il perdra le contrôle de son quinquennat. »
La promotion du très populaire ministre de l’éducation nationale, cinq mois jour pour jour avant ces élections, permet en tout cas au président, à court de projet, d’ouvrir une nouvelle « séquence » très politique. Elisabeth Borne, qui a fait passer aux forceps deux lois particulièrement clivantes (retraites et immigration), fut une première ministre « d’action et de courage », a décrit Gabriel Attal sur le perron de Matignon, mardi, lors de la passation des pouvoirs. Mais qui n’avait pas la capacité de mener un combat politique, juge-t-on à l’Elysée.
Son successeur n’aura, lui, a priori, aucune réforme majeure à faire adopter par le Parlement d’ici à l’été. Ni même l’injonction d’élargir la majorité, contrairement à sa prédécesseure. Mais il incarnera, a-t-il promis, « l’audace et le mouvement ». Et « il aura forcément, institutionnellement, un rôle dans la campagne européenne », convient l’Elysée.
« Il fera tête de liste par procuration »
Le nouveau chef du gouvernement, apprécié des troupes macronistes pour ses qualités de « puncheur », sera celui qui ripostera aux oppositions à l’Assemblée nationale, attirera les électeurs dans les meetings et les caméras. Alors qu’il ne souhaitait pas conduire la liste aux européennes, scénario un temps envisagé à l’Elysée, Gabriel Attal sera un premier ministre de campagne, qui permettra, veut-on croire dans la Macronie, de réduire l’écart entre la liste présidentielle et celle du RN. « Il fera tête de liste par procuration, sourit son ami des Hauts-de-Seine Hervé Marseille, président du groupe Union centriste au Sénat. Il couvrira la marchandise. » Benjamin Morel voit, lui aussi, dans le profil de Gabriel Attal, « plus dynamique » que celui de ses prédécesseurs Rue de Varenne, le signe d’une « stratégie très offensive en vue des élections européennes ».
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