Si la France garde un taux de pauvreté plutôt peu élevé parmi les pays avancés, elle subit ces dernières années une hausse de la précarité. L’Insee notait ainsi que la non-reconduction des aides exceptionnelles versées en 2020 lors de la crise sanitaire a pesé sur le niveau de vie des ménages les plus modestes, qui diminue en 2021. Le taux de pauvreté passe de 13,6 % à 14,5 %, et la France sort de la crise avec un taux supérieur à celui qu’elle avait quand elle y est entrée.
Les prestations sociales luttent pourtant efficacement contre la précarité : sans elles, notre taux de pauvreté serait plus élevé de près de 8 points ! Ce pour un coût modeste : les dépenses liées au versement des minima sociaux représentaient 1,2 % du produit intérieur brut en 2021. C’est pourquoi l’on peut regretter que subsistent de larges fossés dans la manière dont les aides votées dans les budgets du gouvernement et des collectivités sont versées.
On estime ainsi que seules sept personnes visées sur dix bénéficient du revenu de solidarité active (RSA), la Cour des comptes attribuant les causes du non-recours au manque d’information, à la complexité des conditions d’accès et des règles de gestion, et à la stigmatisation sociale. La direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Datres) souligne aussi, en 2022, qu’entre 25 % et 42 % des salariés éligibles ne recourent pas à l’assurance-chômage, « un taux comparable à celui observé sur d’autres prestations sociales ».
Investissement bénéfique
L’inflation n’a pas aidé, et la lutte contre le non-recours ne peut donc que devenir une priorité : le déploiement de la « solidarité à la source », visant à automatiser le remplissage des déclarations de ressources des demandeurs et allocataires des prestations de solidarité, doit être accéléré en 2024 – là où, aujourd’hui, les budgets sont construits en anticipant ce non-recours.
Nous partons aussi du postulat qu’une bonne aide sociale est un investissement bénéfique à son allocataire et à la société, et que le non-recours représente à l’inverse un sous-investissement. Sa mise en œuvre pose toutefois des défis à surmonter pour en garantir le succès.
Des « territoires zéro non-recours » se mettent déjà en place pour faire une expérimentation en partenariat avec la CAF et les associations de lutte contre la pauvreté, et chacun doit se doter d’un « comité local » (sur le modèle du projet Territoires zéro chômeur de longue durée) incluant les acteurs-clés, dont les personnes éligibles ou bénéficiant de droits sociaux sur lesquels portent les territoires zéro non-recours
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