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Fusillades aveugles et victimes collatérales… Marseille sous les balles du narcotrafic

Les stigmates sont partout. Visibles pour peu qu’on s’y attarde. Ici, une rose séchée dans un petit vase bleu, arrimé à un poteau dans la solitude d’un parking des quartiers nord de Marseille. Là, des graffitis tracés au feutre par une main adolescente sur la façade d’un snack du centre-ville. Des mots d’amour dédiés à « K. le sang » : Kaïs, 16 ans, abattu une nuit de printemps. Sur une avenue passante du 14ᵉ arrondissement de la cité phocéenne, une rafale mortelle de fusil d’assaut a mordu le goudron du trottoir comme l’aurait fait la mâchoire d’un monstre et laissé de profondes traces.

Et puis il y a ces vitres constellées d’impacts. Celles d’une pharmacie des quartiers sud ou sur la terrasse d’un restaurant McDonald’s, à l’exact opposé de la ville…

En 2023, la guerre de la drogue a tué quarante-neuf personnes à Marseille – dont la quasi-totalité par balles. Soit près d’un mort par semaine. Une augmentation de presque 50 % par rapport à 2022. « Un nombre d’homicides et de tentatives d’homicides historiquement jamais atteint. Une aggravation d’un phénomène qui était déjà d’un très haut niveau », résume, lucide, le procureur de Marseille, Nicolas Bessone.

Jeudi 21 décembre 2023, le nouveau patron du parquet fait face à la presse, dans la bibliothèque du tribunal de grande instance. Nommé un mois plus tôt, le magistrat ressent la nécessité « d’être transparent devant la gravité de la situation ». Il égrène les faits. D’abord, la puissance financière d’un trafic dont les cinq principaux points de deal généreraient chacun quotidiennement jusqu’à 80 000 euros de recettes. Puis la jeunesse des victimes – sept mineurs décédés en comptant Fayed, 10 ans, abattu à Nîmes, dans le Gard, par une équipe de tueurs marseillais – et celle des nombreux mis en examen dans ces affaires d’homicides – plus de 60 % ont entre 14 et 21 ans.

Enfin, l’explosion du nombre de blessés – cent dix-huit, contre quarante-trois en 2022 –, conséquence de fusillades qui ne visent plus une cible, mais cherchent à s’emparer de points de deal et à terroriser ceux qui les tiennent tout comme la population alentour. Avant le 31 décembre, deux victimes s’ajouteront au total, dont un ancien chef de réseau, condamné à huit ans de prison en 2015, abattu devant un café du 15ᵉ arrondissement, au nord de la ville.

« Un jeune dans une énorme flaque de sang »

Marseille n’est pas le Palerme des années 1980, avec ses centaines de morts annuels. Le tourisme s’y accroît et certains quartiers se gentrifient à vue d’œil. Mais cette ville de huit cent soixante-six mille habitants répartis sur seize arrondissements se voit secouée par ces véritables scènes de guerre qui surgissent à l’improviste, parfois en plein jour.

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