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La crise écologique fait renaître le désir d’Etat

« Manquements à ses obligations », « carences fautives », « méconnaissance de ses objectifs », « insuffisances », « fautes » et « illégalités », des actions qui ne sont « pas à la hauteur des enjeux »… Les termes employés par le tribunal administratif de Paris à l’encontre de l’Etat, il y a un peu plus de deux ans, sont extrêmement durs. « L’affaire du siècle » – le nom médiatique donné à ce recours en justice – avait été préparée depuis fin 2018 par quatre ONG, dont Oxfam et Greenpeace.

Celles-ci avaient décidé d’assigner l’Etat français pour non-respect de ses obligations internationales, européennes et françaises en matière de transition écologique. Après l’avoir condamnée pour inaction climatique en février 2021, le tribunal ordonna à la France, au mois d’octobre suivant, de réparer les conséquences de cette inaction. Le 14 juin 2023, les ONG ont à nouveau saisi la justice pour demander une astreinte financière de 1,1 milliard d’euros.

La critique de l’Etat n’est pas nouvelle chez les militants écologistes. « L’écologie politique s’est historiquement constituée, en partie, par sa défiance à l’égard de l’Etat et de son organisation bureaucratique », remarque Bruno Villalba, professeur de sciences politiques à AgroParisTech. La critique de la « finalité productiviste de l’Etat », ce dernier étant « au service d’un projet consistant à maximiser la capacité de tout un chacun d’accéder au plus de biens et services possible », est présente chez les écologistes dès les années 1930, notamment dans les écrits de Bernard Charbonneau, auteur d’une somme sur L’Etat en 1949.

Avec Jacques Ellul, puis dans les écrits fondateurs d’Ivan Illich, sont posées après-guerre les bases d’une puissante critique des infrastructures techniques qui fondent l’emprise sociale et territoriale de l’Etat. Celles-ci, analysent ces auteurs, conduisent à une dépersonnalisation des individus, qui perdent leur autonomie.

Projet révolutionnaire

Depuis cette époque, la critique de l’Etat et de son intention « croissanciste » n’a cessé d’être affinée. On peut en trouver une expression théorique dans les écrits de l’anthropologue américain James C. Scott, dont la plupart ont récemment été traduits en français. Ce spécialiste des sociétés agraires d’Asie intéresse notamment Laurent Jeanpierre, professeur de sciences politiques à Paris-I. Dans les travaux de Scott, résume M. Jeanpierre, « l’Etat est un appareil qui échoue presque toujours dans ses entreprises, qui s’effondre régulièrement, ses échecs ayant, dans le dernier siècle en particulier, pris la figure de tragédies meurtrières à très grande échelle pour l’espèce humaine et les autres êtres vivants. C’est une machine qui prend l’eau et qui fuit de partout. Dans son livre L’Œil de l’Etat, James C. Scott propose même de l’envisager essentiellement comme un parasite ! »

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