« Une mise en examen, ce n’est pas une condamnation. Cela ne signifie pas une culpabilité. » C’est en rappelant le « grand principe de la présomption d’innocence » que le nouveau premier ministre, Gabriel Attal, a défendu, jeudi 11 janvier, sur le plateau de TF1, la nomination comme ministre de la culture de la maire du 7e arrondissement de Paris, Rachida Dati.
A rebours de la jurisprudence Bérégovoy-Balladur, qui voulait qu’un ministre mis en cause par la justice soit contraint de quitter ses fonctions au gouvernement, l’arrivée tonitruante de Mme Dati Rue de Valois renvoie à sa mise en examen, depuis juillet 2021, dans l’affaire dite « Carlos Ghosn », du nom de l’ex-PDG de Renault-Nissan, visé par deux mandats d’arrêt internationaux de la justice française et en fuite au Liban.
Les charges contre Mme Dati sont lourdes : « corruption passive d’agent d’une organisation internationale publique », « trafic d’influence passif d’agent d’une organisation internationale publique », « recel d’abus de pouvoir », « recel d’abus de confiance ». Et le calendrier judiciaire risque de s’accélérer. Si la chambre de l’instruction examine la question de la prescription des faits reprochés à la ministre, soulevée par ses avocats, le réquisitoire définitif du Parquet national financier est attendu avant la fin mars.
Les juges d’instruction se polarisent sur les honoraires (900 000 euros hors taxe) versés, de 2010 à 2012, par Renault-Nissan BV (RNBV), filiale néerlandaise de l’Alliance Renault-Nissan, à Mme Dati. A cette époque, cette dernière était députée européenne, de surcroît membre suppléante de la commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie, et les activités de lobbying étaient interdites au Parlement européen pour éviter, notamment, les conflits d’intérêts.
Des conditions « strictement confidentielles »
La justice s’interroge sur la légalité et la réalité des travaux de Mme Dati pour le compte de la filiale du groupe. Dans une convention d’honoraires du 28 octobre 2019 adressée à M. Ghosn et signée, l’élue lui propose ses services pour « l’assister, dans les aspects juridiques et réglementaires, dans la détermination de la conduite de la politique d’expansion internationale de [son] groupe, notamment dans les pays du Moyen-Orient et du Maghreb ».
Dans ce document « strictement personnel et confidentiel », Mme Dati propose de « fixer une rémunération sur une base forfaitaire annuelle » « de 300 000 euros hors taxes, dont 100 000 euros hors taxes payables à la date de signature de la présente à titre de provision ». « Cette rémunération correspond à une disponibilité d’environ trois cents heures par an », peut-on lire dans cette convention, qui sera renouvelée deux fois.
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