La filière des énergies renouvelables a exprimé, vendredi 12 janvier, sa préoccupation de voir disparaître le ministère, jusqu’ici pleinement consacré à l’énergie. Ce sujet stratégique et de forte actualité sera désormais rattaché au ministère de l’économie de Bruno Le Maire, connu pour son soutien marqué à l’énergie nucléaire. La France a disposé pendant dix-huit mois d’un ministère spécifique, une première depuis quinze ans liée aux enjeux de la transition énergétique : climat, sécurité d’approvisionnement, souveraineté… Et cette organisation a porté des fruits, rappellent de nombreux acteurs.
« On peut être surpris de l’absence d’un ministère de l’énergie de plein droit, notamment après qu’on ait connu en 2022 une crise énergie historique, qui n’est pas un sujet derrière nous, réagit Michel Gioria, délégué général de France Renouvelables. L’enseignement des dix-huit mois passés est que si l’on veut une politique énergétique efficace, il faut une maîtrise technique, une capacité d’écoute et un suivi très fin, sur le terrain, de tous les éléments : nucléaire, renouvelables, plan de sobriété… Il ne faut pas que ce grand ministère nous en éloigne. »
« Tout écart aura des conséquences lourdes »
Sur le fond, M. Le Maire a souvent exprimé son vif soutien à l’énergie nucléaire. Quid des renouvelables ? « Il y a une réalité : l’énorme travail de RTE [Réseau de transport d’électricité, le gestionnaire du réseau électrique] sur les différents scénarios énergétiques montre que les seuls leviers de production disponibles d’ici 2035 sont les énergies renouvelables », solaire et éolien en premier, relève M. Gioria. « Les décisions de politiques publiques doivent s’appuyer sur des faits. Tout écart aura des conséquences lourdes pour les Français, notamment en termes de sécurité d’approvisionnement et de prix de l’énergie. »
Pour le Syndicat des énergies renouvelables (SER), la suppression de ce ministère est « un mauvais signal quant au volontarisme politique » sur la transition énergétique, dit son président, Jules Nyssen, qui veut aussi « rendre hommage à Agnès Pannier-Runacher », la ministre sortante.
Cette réorganisation arrive quelques jours après la publication d’un avant-projet de loi sur la souveraineté énergétique qui a suscité bien des réactions, car il fixe des objectifs chiffrés pour la relance du nucléaire, mais aucun pour les renouvelables électriques (solaire et éolien). « Au moment où les maires doivent travailler sur des zones d’accélération des renouvelables, où se prépare la planification de l’éolien en mer, où des investisseurs s’interrogent sur le fait de soutenir de futures gigafactories françaises, les signaux depuis le début de l’année ne sont clairement pas positifs », dit M. Nyssen.
« Nous ne sommes pas contre une relance du nucléaire, mais elle ne peut être un prétexte pour dire qu’il n’y a pas de besoin d’énergies renouvelables ou pas besoin de se poser des questions sur l’efficacité et la sobriété énergétiques. Tout cela se tient, et cette équation globale tout le monde la connaît. »