L’intervention du 7 décembre 2023 du président Emmanuel Macron sur la recherche nous laisse un goût amer. Celui de n’être jamais compris. De constater à nouveau que les responsables politiques cèdent à la facilité intellectuelle plutôt qu’à la réflexion. Le discours du président cache au fond la tentation de tous les gouvernements de se débarrasser des organismes de recherche.
Le raisonnement est simple : la place de la France parmi les grandes nations de recherche aurait reculé. Parmi les causes identifiées, le millefeuille administratif, formule mille fois brandie dès lors qu’on veut affaiblir un service public. Et, pour faire bonne mesure, ajoutons le supposé déficit persistant de transfert de la recherche vers l’innovation. Nous obtenons alors le cocktail souhaité : la recherche va mal, il faut la soigner.
Comment ? La solution à nouveau mise en avant par tous les gouvernements depuis quinze ans est simple : autonomie des universités, réorganisation des organismes de recherche. Le diagnostic est faux, les remèdes catastrophiques. Qui n’auront pour conséquence que de renfermer les universités sur elles-mêmes, projet renforcé par la fermeture de nos portes aux collègues et étudiants étrangers annoncée dans la loi « immigration ».
La question de l’autonomie est le slogan de ceux qui veulent faire l’économie d’une réflexion tout en refusant de faire le bilan des multiples réformes subies ces dernières années. Cette autonomie qui s’est doublée d’un vaste mouvement de fusion des universités, la plupart du temps sans autre ambition que de gagner quelques places au classement de Shangaï.
Une méconnaissance du fonctionnement de la recherche
La question de la réorganisation des organismes de recherche est quant à elle un serpent de mer pour des raisons plus complexes. Que signifie transformer les organismes nationaux en « agences de programme » ? Quels programmes, décidés par qui, sur quels critères, quelle durée ? Pour le CNRS, il s’agirait de se concentrer sur les océans, la biodiversité, la société durable. Des enjeux importants, mais que fait-on du reste ? Nul ne le sait.
Mais le problème au fond n’est pas là non plus. Cette proposition s’appuie sur une méconnaissance profonde de l’organisation et du fonctionnement des organismes de recherche. Ceux-ci consacrent l’essentiel de leurs moyens à leur masse salariale, c’est-à-dire à leurs personnels de recherche et administratif qui produisent des connaissances et font fonctionner les laboratoires.
Mais concernant leurs moyens de pilotage, cela fait bien longtemps qu’ils ont été aspirés par les agences de moyens comme l’Agence nationale de la recherche. Au détriment des laboratoires, dépourvus désormais de toute capacité d’intervention pour financer leurs projets. Ce pilotage de la recherche s’appuie sur un postulat jamais remis en cause : les chercheuses et les chercheurs seraient une espèce particulière de personnes pas tout à fait capables de comprendre les enjeux du monde d’aujourd’hui, et peu soucieuses de l’utilité de leurs travaux.
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