Face aux appels à la démission, la ministre de l’éducation, Amélie Oudéa-Castéra, a demandé, lundi 15 janvier, de clore « le chapitre attaques personnelles » au sujet de la scolarisation de ses enfants dans le privé, dans l’espoir d’éteindre la première crise du gouvernement Attal.
Première semaine, premier cas d’école. A peine promue à l’éducation nationale, « AOC » est déjà sur la défensive. Obligée de se justifier sur l’inscription de ses trois fils à Stanislas, prestigieux établissement privé des beaux quartiers de la capitale. Choix motivé par « des paquets d’heures pas sérieusement remplacées » dans le public, a-t-elle expliqué dans un premier temps. Propos vécus comme une provocation par les syndicats, au point que la ministre a aussitôt battu sa coulpe, disant « regretter » d’avoir « pu blesser certains enseignants ».
Peine perdue, car la deuxième salve n’a pas tardé : dimanche soir, le journal Libération a mis à mal la défense de la ministre, contredite par plusieurs témoignages. Ceux-ci démentent l’absence invoquée d’instituteurs et soulignent la volonté de Mme Oudéa-Castéra de faire sauter une classe à l’aîné de la fratrie.
Rencontre avec les syndicats
« Je ne veux pas aller plus avant sur le terrain de la vie personnelle et de la vie privée. Il y a des attaques auxquelles j’ai essayé de répondre avec le plus de sincérité possible. Il faut clore ce chapitre des attaques personnelles et de la vie personnelle », a répondu, lundi matin, la ministre, également chargé de la jeunesse et des sports, à l’issue d’une visite sur le site du village olympique de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).
Mais les rares soutiens de la ministre peinaient à cacher leur embarras, à l’image de la porte-parole du gouvernement, Prisca Thevenot, qui a botté en touche sur France Inter : « Je ne sais pas si elle a menti, je dis simplement qu’elle a expliqué pourquoi son fils a été scolarisé dans le privé. »
C’est dans ce contexte très tendu que la ministre a commencé à rencontrer lundi les syndicats de l’enseignement, pour évoquer les priorités de son ministère. « Tous les enseignants se sont sentis blessés, humiliés, il y a une très grande colère de la profession », a déclaré à l’Agence France-Presse Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU, premier syndicat du second degré. Le syndicat lui demande « des excuses publiques », mais « nous n’avons eu ni réponse claire, ni engagement », a regretté Mme Vénétitay, précisant que la FSU a « coupé court à la réunion ».
Pour Guislaine David, la porte-parole du SNUipp-FSU (principal syndicat du primaire), « on ne peut pas avoir confiance dans une ministre qui s’empêtre dans des justifications qui ne sont que mensonges ». « Je ne sais pas si on a déjà démarré aussi mal une prise de fonction en tant que ministre de l’éducation nationale », a résumé Benoît Teste, secrétaire général de la FSU. Des syndicats ont appelé à des grèves le 25 janvier et le 1er février.
Elisabeth Allain-Moreno, du SE-Unsa, a déclaré à l’AFP que la ministre s’était « excusée » : « elle regrettait, elle était consciente que ça avait vraiment blessé au sein de la profession » et « elle a reconnu une erreur ».
Un caillou dans la chaussure d’Emmanuel Macron
Les oppositions, elles, n’ont pas manqué de se saisir des révélations de Libération pour attaquer la ministre. « C’est un mensonge qui la disqualifie pour continuer à occuper cette fonction », a ainsi affirmé l’« insoumis » Manuel Bompard sur Franceinfo, tandis que le communiste Fabien Roussel a estimé sur X qu’« il est temps de démissionner » car « les jours passent et les mensonges s’accumulent ».
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Analyse partagée sur BFM-TV par le député écologiste Benjamin Lucas, pour qui la ministre « a menti ». « Il faut qu’elle parte », afin d’« envoyer un signal d’apaisement à la communauté éducative, qui ne va pas bien », a-t-il estimé. « Si la ministre a menti, je ne vois pas comment elle peut continuer son action publique » a renchéri le député Rassemblement national Jean-Philippe Tanguy sur BFM-TV et RMC
Cette polémique contrarie les plans de l’exécutif, moins d’une semaine après un remaniement censé lui donner un nouveau souffle incarné par Gabriel Attal. D’autant plus que, en tant qu’ancien titulaire du portefeuille l’éducation nationale, celui-ci a assuré qu’il serait le « garant » de la « priorité absolue » accordée à l’école.
L’affaire est aussi un caillou dans la chaussure d’Emmanuel Macron, qui considère que le sujet « fait partie du domaine réservé du président » et doit préciser mardi soir, lors d’une conférence de presse, comment il entend mener à bien le « réarmement » du pays, qui pourrait passer par des annonces en matière d’éducation.