Il est presque 12 h 30, lundi 15 janvier, quand le ministre allemand des finances, Christian Lindner, vient s’adresser aux milliers d’agriculteurs massés devant la porte de Brandebourg, à Berlin, qui manifestent leur colère contre la politique du gouvernement. Mais face à lui, les huées et les sifflets sont d’une telle virulence que le président de la Fédération allemande des agriculteurs, Joachim Rukwied, se sent obligé de prendre le micro pour demander à la foule de faire preuve de « respect » envers le ministre.
L’appel au calme est sans effet. Pendant les vingt minutes qui suivent, M. Lindner peine à se faire entendre au milieu des invectives – « Fous le camp ! », « Menteur ! », « Hypocrite ! » – qui perturbent son discours. Il ne ménage pourtant pas ses efforts pour flatter son auditoire. Rappelant son enfance passée « près des prairies, des champs et des forêts », le ministre des finances affirme que « la protestation des agriculteurs est légitime » et qu’ils ont raison de réclamer « plus de libertés et moins de bureaucratie ». Mais, ajoute-t-il, il ne peut leur promettre « davantage d’aides venant de l’Etat fédéral ».
Or, c’est précisément pour cela que les agriculteurs allemands sont mobilisés. A la suite du drastique serrage de vis budgétaire auquel il a été contraint par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, le 15 novembre 2023, le gouvernement a déclaré vouloir créer une taxe sur les véhicules agricoles et supprimer la ristourne fiscale sur le diesel agricole. Face au tollé provoqué par ces deux annonces, il a renoncé à la première et amendé la seconde, se disant prêt à baisser progressivement cet avantage fiscal d’ici à 2026, plutôt que d’y mettre fin d’un coup dès cette année.
Un débat au Bundestag
Ces reculs n’ont pas calmé la colère des agriculteurs. Le 8 janvier, ceux-ci ont commencé une « semaine d’actions » qui a donné lieu à des défilés de tracteurs, des blocages d’autoroutes et des rassemblements un peu partout en Allemagne. Celle-ci a culminé à Berlin, lundi, par une grande manifestation qui a réuni entre 30 000 personnes, selon les organisateurs, et 8 500, selon la police.
Au terme de cette semaine de mobilisation, sans précédent par sa durée et son ampleur, rien n’est toutefois résolu. « Il faut que le sujet du diesel agricole soit réglé. Ensuite, on pourra parler du reste », a déclaré, lundi, le président de la Fédération allemande des agriculteurs, Joachim Rukwied, bien décidé à continuer de mettre la pression sur le gouvernement pour qu’il renonce totalement à supprimer la ristourne sur le diesel agricole. A défaut d’obtenir une réponse précise de l’exécutif sur ce point, les représentants des agriculteurs ont rencontré, lundi, les chefs des groupes parlementaires de la majorité. Ceux-ci leur ont promis de tenir un débat sur l’avenir de leur secteur au Bundestag, jeudi, et de prendre plusieurs décisions concrètes d’ici l’été.
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