Une révolution se mesure à l’onde de choc qu’elle produit. Celle qu’a déclenchée Emmanuel Macron en nommant Gabriel Attal, le plus jeune premier ministre de la Ve République, à Matignon puis en sélectionnant un pack limité de ministres politiques chargés de mener la campagne des élections européennes de juin est faite de multiples vaguelettes : de la gauche à l’extrême droite en passant par le centre, aucun des éléments qui composent le spectre politique n’en sort indemne.
Marine Le Pen et Jordan Bardella ont jugé nécessaire d’accorder une longue interview commune au Journal du dimanche (daté du 14 janvier) pour dire qu’ils ne craignaient rien et illustrer la solidité du couple politique qu’ils forment depuis deux ans.
Le social-démocrate Raphaël Glucksmann a multiplié les interventions médiatiques en direction de l’électorat de centre gauche déstabilisé par l’orientation toujours plus à droite du nouveau gouvernement. Bousculés pour la énième fois, Les Républicains sont restés sans voix, de même que la majorité, qui attend de connaître la suite pour juger si le macronisme originel a été définitivement abjuré ou s’il est entré dans un processus de mutation accélérée.
Le fait est que, en une semaine, le macronisme s’est mué en un sarko-macronisme. Non seulement parce que Rachida Dati, l’une des icônes de 2007, a fait une entrée controversée au gouvernement, mais parce que tout, dans le positionnement adopté par le chef de l’Etat et son nouveau premier ministre, rappelle le sarkozysme de conquête de cette année-là.
La façon dont Gabriel Attal gère son entrée en fonctions est un copier-coller de la méthode Sarkozy : à chaque priorité affichée – la sécurité, l’école, la santé… –, un déplacement de terrain destiné à marquer l’écoute et l’empathie. La mine est toujours grave, les mots utilisés sont simples, à rebours du vocabulaire technocratique utilisé par le gouvernement d’experts un temps prisé par le président de la République.
Symptomatique également, le terme « régénérescence » choisi par Emmanuel Macron lors de ses vœux aux Français renvoie au vocable « nouvelle renaissance » que Nicolas Sarkozy avait lui-même emprunté, à Georges Pompidou, dans son discours prononcé à la porte de Versailles, à Paris, le 14 janvier 2007.
Reconquête des classes moyennes
Celui qui allait remporter l’élection présidentielle quelques mois plus tard insistait sur « l’amour de la France » et « la fierté d’être Français », promettait la restauration d’« une école de l’autorité et du respect », s’inquiétait de la crise du modèle républicain, qu’il analysait d’abord comme « morale », s’engageait pour « un service civique obligatoire de six mois », se présentait comme le futur « président d’une France qui remettra[it] le travailleur au cœur de la société ».
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