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« Endosser les préoccupations et les préconisations du Rassemblement national n’a fait que le renforcer dans la durée »

Depuis le « coup de tonnerre » du 21 avril 2002 [qualification de Jean-Marie Le Pen pour le second tour de l’élection présidentielle], notre vie politique semble se structurer autour d’une réalité qui absorbe tout : la menace, chaque jour plus consistante, de voir l’extrême droite accéder au pouvoir. Au point qu’à la question lancinante, depuis 2017 au moins – « Marine Le Pen peut-elle gagner ? » –, s’en substitue progressivement une autre pour 2027 : « Peut-elle encore perdre ? »

Les dîners en ville ou les repas de famille ne bruissent plus que de cela, y ajoutant même une interrogation coupablement résignée : « Une telle victoire serait-elle si terrible ? » Pour se rassurer, les cas de Trump ou Meloni sont parfois convoqués : après tout, les Etats-Unis et l’Italie se sont accommodés d’eux avec des dégâts limités – argumentaire douteux, oubliant que le président français dispose de pouvoirs bien plus vastes que ses homologues étrangers et que la France, contrairement à son voisin transalpin, siège au Conseil de sécurité de l’ONU.

Comment en est-on arrivé là ? Pour tenter de contenir la vague montante du Front national (FN) – devenu Rassemblement national (RN) en 2018 – depuis maintenant plus de trente ans, nos gouvernants ont usé de deux stratégies, l’une politique, l’autre électorale, dont, doux euphémisme, l’efficacité n’aura pas sauté aux yeux.

Pour répondre politiquement à l’extrême droite, une logique de résultats a d’abord été privilégiée : puisque le FN a prospéré sur un terreau de crise économique et sociale, la conviction s’est répandue qu’il suffisait de faire reculer le chômage pour voir, dans le même temps, refluer l’extrême droite. Malheureusement, nous savons depuis Lionel Jospin et nous avons la confirmation avec Emmanuel Macron qu’il n’en est rien.

Une posture illusoire

Malgré les fortes embellies sur le front de l’emploi entre 1997 et 2002, puis entre 2016 et 2023, ces périodes ont été marquées par la poursuite de la progression du FN/RN. La posture d’impatience encore adoptée lors de ses vœux par le président de la République, avide de résultats plus marqués et plus rapides, a, par conséquent, quelque chose d’illusoire : ce qui est absolument nécessaire ne saurait être tenu ici pour suffisant.

En complément de cette logique de résultats, une logique de triangulation s’est largement imposée, conduisant à préempter les thèmes de l’extrême droite pour, prétendument, ne pas lui en laisser le monopole. D’abord créditée d’avoir su « poser les bonnes questions », cette dernière a finalement vu adopter des réponses de plus en plus proches des siennes. Illustration chimiquement pure avec la question migratoire – dangereusement confondue avec la question identitaire et la question sécuritaire – saturant le débat public, au rythme d’une loi votée en moyenne tous les dix-huit mois depuis quarante ans, toujours dans le sens d’un durcissement.

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