Directeur de l’Institut français des relations internationales (IFRI), l’historien Thomas Gomart poursuit, après Guerres invisibles. Nos prochains défis géopolitiques (Tallandier, 2021) et Les Ambitions inavouées. Ce que préparent les grandes puissances (Tallandier, 2023), sa réflexion dans L’Accélération de l’histoire. Les nœuds géostratégiques d’un monde hors de contrôle (Tallandier, 176 pages, 18,50 euros), mettant en évidence l’interconnexion des conflits et le risque d’isolement de l’Europe, faute d’une réelle vision stratégique.
L’année 2023 fut celle de deux guerres, avec la poursuite de l’agression russe contre l’Ukraine et le conflit entre Israël et le Hamas. L’année 2024 pourrait-elle être celle de trois guerres ?
En 2023, les dirigeants européens ont été pris de vitesse, de manière très paradoxale, par deux fortes continuités : l’aggravation de la guerre d’Ukraine, alors qu’ils misaient sur sa fin, et la résurgence de la question palestinienne, qu’ils avaient évacuée. En 2024, ils pourraient l’être à nouveau, avec les effets de bord entre trois théâtres : la mer Noire, le golfe Arabo-Persique et la mer de Chine.
Les élections américaines et la succession de scrutins préalable mettent l’année en suspens. Dans les régimes démocratiques, les élections forcent les décisions. Si Donald Trump était élu, il y aurait des répercussions immédiates sur ces trois théâtres. Les Européens ont une année pour s’y préparer, en accélérant très sérieusement leurs efforts militaires. Ce qui se joue en 2024, c’est aussi la nature de la relation transatlantique.
La relation, sérieusement ébranlée lors de la présidence Trump, n’a-t-elle pas, depuis, été restaurée ?
La guerre d’Ukraine, en provoquant un resserrement transatlantique sur le plan militaire, financier, politique et énergétique, a accentué la dépendance des Européens, dans un contexte, de surcroît, de décrochage économique et technologique de l’Europe par rapport aux Etats-Unis. En 2025, il est possible que les Européens se retrouvent à la fois contraints de gérer par eux-mêmes ces crises sur leurs flancs et, dans une situation économique très dégradée, de basculer ainsi du côté de ceux qui subissent plus qu’ils ne conduisent le cours des choses.
On ne peut pas penser la guerre d’Ukraine en silos, ni le conflit entre Israël et le Hamas, ni la montée des tensions en mer de Chine, ni la fragmentation du Sahel. Toutes ces crises sont liées par des effets de bord et une redistribution de la puissance au détriment des Européens. La géostratégie est le lien entre la géographie et la stratégie militaire, mais encore faut-il en avoir une.
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