La passe d’armes entre Washington et les houthistes ne faiblit pas. Pour la quatrième fois en moins d’une semaine, l’armée américaine a visé, dans la nuit de mercredi 17 à jeudi 18 janvier, des positions des rebelles yéménites sur leur territoire.
Les forces armées américaines « ont mené des frappes sur les pas de tir de quatorze missiles qui étaient prêts à être lancés depuis les zones contrôlées par les houthistes », a écrit le commandement militaire des Etats-Unis au Moyen-Orient (Centcom) dans un communiqué publié sur le réseau social X.
« Ces missiles représentaient une menace immédiate pour les navires marchands et les bâtiments de l’US Navy dans la région et auraient pu être lancés à n’importe quel moment, ce qui a déclenché l’intervention des forces américaines pour exercer leur droit et leur obligation inhérents à se défendre », a ajouté le commandement américain. « Nous allons poursuivre nos activités pour protéger la vie des marins innocents », a déclaré le commandant du Centcom, Michael Erik Kurilla, cité dans le communiqué.
Selon la chaîne des rebelles, Al-Masirah, les frappes nocturnes ont visé « les gouvernorats d’Hodeïda, de Taëz, de Dhamar, d’Al-Bayda et de Saada ».
Ces frappes américaines, dans un Moyen-Orient qui s’approche d’un embrasement régional, sont intervenues quelques heures après que Washington a de nouveau qualifié d’entité « terroriste » les rebelles yéménites qui, de leur côté, visent des navires marchands qu’ils estiment liés à Israël, en mer Rouge et dans le golfe d’Aden.
Un navire américain visé
Un responsable des houthistes – ils font partie de « l’axe de la résistance » contre Israël, qui compte des groupes soutenus par l’Iran, comme le Hamas palestinien et le Hezbollah libanais – a déclaré à Al-Masirah que son groupe « continuera à cibler les navires qui se dirigent vers les ports de la Palestine occupée, quelles que soient les agressions américano-britanniques pour tenter de l’en empêcher ».
A l’appui de cette menace renouvelée, les rebelles ont annoncé avoir « tiré des missiles contre le navire américain Genco Picardy dans le golfe d’Aden », selon leur porte-parole militaire, Yahya Saree.
Dans un communiqué, mercredi soir, le commandement militaire américain au Moyen-Orient a indiqué que le navire avait été visé par un drone, sans faire de victimes mais provoquant de légers dommages. Le Genco Picardy, battant pavillon des Iles Marshall – un Etat de Micronésie, en Océanie –, appartient aux – et est opéré par – les Etats-Unis, selon la même source.
La réinscription des houthistes par Washington sur la liste des organisations terroristes internationales « vise à faire en sorte que le groupe rende des comptes pour ses activités », a expliqué le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, dans un communiqué, en assurant que « si [les houthistes] cessent leurs attaques en mer Rouge et dans le golfe d’Aden, les Etats-Unis réévalueront cette désignation ». Cette sanction est destinée à faire « pression » sur le groupe rebelle tout en préservant l’acheminement d’aide humanitaire, cruciale au Yémen.
Le Monde Application
La Matinale du Monde
Chaque matin, retrouvez notre sélection de 20 articles à ne pas manquer
Télécharger l’application
Au cours des derniers jours, l’armée américaine a lancé une série de frappes contre leurs positions. Mardi, elle avait visé quatre pas de tir de missiles qui représentaient une « menace imminente » pour les navires marchands et militaires. La semaine dernière, les forces américano-britanniques avaient ciblé près de trente sites au Yémen.
En décembre 2023, les Etats-Unis ont mis en place une force navale multinationale pour protéger les navires en mer Rouge, où transitent environ 12 % des marchandises du commerce mondial. « Nous ne cherchons pas un conflit régional, loin de là », a déclaré, mardi, le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan, au Forum économique mondial, à Davos, en Suisse.
Huit ans de guerre au Yémen
Le Yémen est en proie depuis plus de huit ans à un conflit opposant le gouvernement, soutenu par une coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite, et les rebelles houthistes, proches de l’Iran.
Les Etats-Unis avaient retiré les houthistes en février 2021 de leur liste d’« organisations terroristes ». Ils avaient jugé à l’époque que cette désignation compliquait la réponse à une très grave crise humanitaire au Yémen, dont le groupe rebelle contrôle une bonne partie. Plus des deux tiers de la population dépendent de l’aide humanitaire, selon l’ONU.
En optant, mercredi, pour qualifier l’entité de « spécialement désignée comme terroriste au niveau mondial » au lieu de la désigner « organisation terroriste étrangère », une sanction plus large interdisant tous les échanges, les Etats-Unis entendent maintenir le flot d’aide humanitaire au Yémen, a expliqué un responsable américain sous couvert d’anonymat.
« Les [houthistes] doivent être tenus responsables de leurs actes, mais cela ne doit pas se faire aux dépens des Yéménites », note Antony Blinken dans son communiqué. Il précise que les Etats-Unis vont prendre, dans la période de trente jours avant que la désignation ne soit effective, une série de mesures « pour atténuer tout impact négatif que cette désignation pourrait avoir sur le peuple yéménite ».
En parallèle, le département du Trésor américain va publier des licences autorisant certaines transactions, dont celles liées à la fourniture de nourriture, de médicaments et de carburant. Ces sanctions américaines ont pour effet de geler les avoirs éventuels des houthistes et de couper leurs sources de financement.
De son côté, le chef de la diplomatie britannique, David Cameron, a sommé l’Iran, mercredi, de cesser de fournir des armes et des renseignements aux houthistes, lui enjoignant, sur le réseau social X, d’« user de son influence pour mettre fin [à leurs] attaques en la mer Rouge ». M. Cameron a expliqué avoir été « clair » à ce sujet lors d’un entretien avec son homologue iranien, Hossein Amir Abdollahian, au Forum de Davos, en Suisse, qui se déroule actuellement. Téhéran, qui soutient ouvertement les houthistes, dément leur fournir du matériel militaire.