Le Belge francophone Paul Magnette cultive décidément sa double image d’acteur politique et de penseur. Dans son pays, certains évoqueront plutôt son ambiguïté, tant y est rare cette capacité à assumer de front un rôle politique de premier plan − il est maire de Charleroi, dirige le Parti socialiste et ne cache plus son ambition d’être premier ministre − et un autre de réflexion − il est professeur à l’Université libre de Bruxelles (ULB).
Du cinéaste italien marxiste Pier Paolo Pasolini à la citoyenneté européenne en passant par l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne CETA, de l’analyse des régimes politiques à un manifeste « écosocialiste » en 2022 : en une vingtaine d’années, l’ancien directeur de l’Institut d’études européennes de l’ULB a accumulé une douzaine d’ouvrages, auxquels on peut ajouter le récit, plus modeste, d’une découverte à vélo de sa région ou un traité sur l’une de ses passions, le pain…
Cette fois, c’est sur le sens et la valeur du travail que se penche le Wallon. L’Autre Moitié du monde, c’est, selon lui, celle qui souffre et subit les conséquences de la financiarisation de l’économie, de la mondialisation, des restructurations et de la dégradation des conditions de travail. Celle qui pourrait être tentée de céder aux sirènes des mouvements autoritaires qui instrumentalisent la peur du déclassement pour renforcer leur poids. Celle qui est, en tout cas, persuadée que la critique de l’« assistanat » dont bénéficieraient un bon nombre de ses congénères est justifiée.
En 2007, se souvient l’auteur, Nicolas Sarkozy flattait « le salarié qui voit l’assisté s’en tirer mieux que lui pour boucler ses fins de mois sans rien faire ». Mais, en 2022, Fabien Roussel, le secrétaire national du Parti communiste français, enchaînait, affirmant que « la gauche doit défendre le travail, et ne pas être la gauche des allocations et des minima sociaux ». Voilà donc consacrée « l’hégémonie culturelle de la droite, qui n’en espérait pas tant », déplore Paul Magnette.
Convaincre les jeunes générations
A quelques mois d’élections générales en Belgique, au cours desquelles il combattra à la fois la droite libérale et la gauche radicale – le Parti du travail de Belgique –, le dirigeant de ce qui fut naguère le Parti ouvrier belge soutient que « l’enjeu de notre temps consiste à réaffirmer le sens et la valeur du travail ».
Un but ambitieux à l’issue d’une pandémie qui a introduit une rupture dans le rapport au travail et modifié, durablement peut-être, les attentes des jeunes générations. A priori, il ne sera pas évident de les convaincre non seulement que le labeur n’est pas qu’un fardeau, mais, en outre, qu’il est possible d’abolir les rapports de domination qui le structurent encore souvent.
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