« Un jour, on pourra y aller au Japon, là où l’on mange des nems ? » Devant le planisphère affiché dans les toilettes, au moment où mon fils de 5 ans s’éternise sur le trône, il faudrait lui répondre plusieurs choses. D’abord, que l’on pourrait discuter de ça ailleurs, mais c’est vrai que la carte est dans les W.-C. Ensuite, que ce n’est pas au Japon que l’on mange des nems, mais on fera dans le détail plus tard. Et surtout que le pays du Soleil-Levant se situe à plus de 9 000 kilomètres de notre domicile, que le billet d’avion coûte une fortune et que ça va être chaud pour le bilan carbone familial. Au lieu de tout cela, c’est un : « Mais oui, on en fera des grands voyages ! », parce que l’on se verrait bien, un jour, à quatre avec des sacs à dos. Il aurait au moins fallu ajouter « des voyages décarbonés », mais on ne l’a pas senti sur le moment.
Il faut dire que l’équation des vacances se résume pour l’instant à se demander si l’été, pour rejoindre le village des aïeux en Corse, à 867 kilomètres de chez nous, on ne pourrait pas remplacer 1 h 40 de vol par un train, un ferry et une voiture. Ce choix aurait pour effet de quadrupler le temps de parcours total et de multiplier par deux fois et demie le prix du trajet, déjà onéreux. Le tout pour un gain carbone d’environ 500 kilogrammes équivalent CO2 chacun, d’après le calculateur d’empreinte carbone personnelle MyCO2. On sait que chaque tonne de carbone compte, mais on trouve pour l’instant, avec mauvaise conscience, que c’est cher payé le kilo, y compris pour les nerfs des parents des deux lardons. Certains lecteurs de cette chronique, qui ont écrit au Monde, témoignent pourtant que la manière de voyager, ça se change, y compris en embarquant toute sa smala.
Comme Flora, une enseignante française de 43 ans qui vit à Brême, près de Hambourg, en Allemagne. La dernière fois qu’elle a pris l’avion pour passer Noël en famille, à Brest, à 1 000 kilomètres de son domicile, c’était en 2019. Elle a fait le même trajet en 2023, avec son mari et leurs deux filles de 9 et 11 ans, par le rail, en vingt-quatre heures, avec une halte pour dormir à Bruxelles. « On a fait un bon dîner, on s’est détendus et l’on est repartis ! », évoque-t-elle de l’autre côté d’un écran. Son enthousiaste conversion, Flora la doit à son mari allemand, amoureux des trains. Il dispose d’une carte de voyage illimitée, payée par son employeur, qui lui permet d’embarquer ses enfants gratuitement sur tout le réseau, métros compris, jusqu’à leurs 14 ans.
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