Nous, bailleurs sociaux, élus locaux dans des villes populaires, souhaitons faire part de notre inquiétude face à la crise du logement en cours, et face aux mesures au rabais proposées par le gouvernement et le président de la République ces derniers mois. La situation est plus que jamais alarmante. Aujourd’hui, en Île-de-France, près de 800 000 ménages sont demandeurs d’un logement social, 2,4 millions en France.
Moins d’une demande de logement social sur dix est satisfaite chaque année. Parallélement, les loyers sont au plus haut, et les charges augmentent fortement. L’accession et notamment l’accession sociale à la propriété sont au point mort, le nombre d’accords de prêts ayant dégringolé compte tenu du contexte économique. Les récentes révoltes qui ont eu lieu dans nos quartiers populaires expriment aussi un besoin de plus de logements décents et de services publics.
Ici, ce sont les collectivités et les organismes HLM qui ont les mains dans le cambouis et doivent gérer une crise sociale d’une ampleur inédite. Réunis lors du Congrès HLM, à Nantes, en octobre 2023, nous avons pu faire le bilan des annonces, notamment celles de Patrice Vergriete, alors ministre chargé du logement, qui a confirmé le souhait d’une décentralisation de la politique du logement, sans soutenir nos organismes. Mais, sans moyens financiers importants, toutes les mesures ne seront pas à la hauteur de l’asphyxie que connaît le logement social en France.
Le risque de renforcer la spécialisation du logement social
Ainsi, la volonté de décentralisation de la politique du logement s’inscrit dans la continuité du désengagement progressif de l’Etat envers le logement social : renforcement du dispositif de réduction de loyer de solidarité (RLS), qui fait peser sur les bailleurs toute la charge de la baisse de l’aide personnalisée au logement (APL) entraînant une baisse automatique des loyers, mise en œuvre approximative de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU) qui n’empêche pas les entorses à la loi de certaines collectivités qui par conséquent ne prennent pas leur part d’effort pour construire et loger les classes populaires.
Annoncer la décentralisation de la politique du logement et renforcer aveuglément le pouvoir des maires dans les attributions de logements sociaux revient à complètement éclater la cohésion et la cohérence de la politique publique la plus importante au service des populations. Partagée depuis des années entre mairies, intercommunalités, bailleurs sociaux, Action Logement, et services de l’État, l’attribution des HLM relève d’une cohérence d’ensemble.
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