Quatre jours avant une décision attendue du Conseil constitutionnel, une large coalition d’opposants à la loi « immigration » appelait à manifester dimanche 21 janvier contre la promulgation d’un texte qui consacre, selon eux, la victoire idéologique de « l’extrême droite ».
Quelque 75 000 manifestants, selon le ministère de l’intérieur, 150 000 pour la CGT, se sont ralliés partout en France à un appel lancé initialement par 201 personnalités, pour faire pression sur l’exécutif, qui pourrait promulguer rapidement le texte voté mi-décembre notamment avec les voix du Rassemblement national, sauf censure complète et surprise par les sages le 25 janvier.
Après la manifestation du 14 janvier, durant laquelle des milliers de personnes avaient défilé à l’appel d’associations de défense des immigrés, plus de 160 marches étaient prévues dimanche, notamment à Paris, où le cortège s’est élancé à partir de 14 h 30 de la place du Trocadéro et était composé de 16 000 personnes, selon la préfecture de police. La CGT en a dénombré 25 000. Plusieurs responsables de gauche, Manon Aubry (LFI), Marine Tondelier (EELV), Olivier Faure (PS) et Fabien Roussel (PCF) étaient présents et ont fustigé un exécutif « qui a ouvert le pont levis aux idées de l’extrême droite », selon M. Faure, premier secrétaire du Parti socialiste.
Dimanche matin, plusieurs centaines de personnes se sont réunies à Metz, et 800 personnes ont manifesté à Caen. A Lille, selon La Voix du Nord, près de 3 000 personnes ont défilé dans le centre-ville en fin de matinée. D’après France 3 Nouvelle-Aquitaine, environ 3 000 personnes se sont rassemblées à Bordeaux, place de La Bourse. A Strasbourg, 1 800 personnes selon la police, 3 000 selon les organisateurs, ont défilé dans les rues de Strasbourg dimanche après-midi. A Lyon, près de 2 000 personnes étaient attendues dans l’après-midi dans le cortège parti de la place Bellecour. Samedi, entre 3 000 et 4 000 personnes, selon les organisateurs, avaient défilé dans les rues de Toulouse.
« Soucieux de rassemblement et de solidarité plutôt que de division sans fin de notre société, nous demandons au président de la République de ne pas promulguer cette loi », écrivent les auteurs de l’appel à manifester, parmi lesquels de nombreuses personnalités du monde de la culture, comme la comédienne Josiane Balasko ou l’écrivaine Alice Zeniter.
« Rédigée sous la dictée des marchands de haine »
Pour ces signataires de tous horizons, dont les responsables de la CFDT et de la CGT, Marylise Léon et Sophie Binet, l’urgentiste Patrick Pelloux, ou encore le cofondateur de Mediapart Edwy Plenel, la loi « a été rédigée sous la dictée des marchands de haine qui rêvent d’imposer à la France leur projet de “préférence nationale” ». En cause, les nombreux ajouts du Parlement au texte initial, donnant une coloration très droitière à une loi qui devait reposer sur deux volets – l’un répressif pour les étrangers « délinquants », l’autre favorisant l’intégration. Le texte comprend désormais de nombreuses mesures controversées, comme le durcissement de l’accès aux prestations sociales, l’instauration de quotas migratoires, ou le rétablissement du « délit de séjour irrégulier ».
« Les manifestations [de dimanche] doivent démontrer que l’opinion n’est pas avec les racistes et les fascistes », a exhorté vendredi le collectif militant Marche des solidarités, en première ligne dans la rue depuis plusieurs semaines. Après les syndicats, plus de 300 élus de gauche et écologistes ont aussi appelé, dans Libération, à manifester contre un texte consacrant la « victoire culturelle de l’extrême droite sous les dehors aimables du “en même temps” ». « Cette loi bafoue des principes issus de la Révolution française », ont fustigé ces élus, dont l’édile de Lille, Martine Aubry (Parti socialiste).