Il aura fallu deux heures pour « dépiauter les choses », selon les mots du ministre de l’agriculture, Marc Fesneau. Deux heures pour gagner du temps, aussi. Ce lundi 22 janvier, il est près de 20 h 30 quand la réunion qui s’est tenue à Matignon avec le locataire de l’hôtel de Villeroy, le premier ministre, Gabriel Attal, et Arnaud Rousseau, président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), accompagné d’Arnaud Gaillot, président des Jeunes Agriculteurs (JA), s’achève pour tenter de circonscrire la colère du monde agricole. Une épreuve aux allures de test pour Gabriel Attal, qui affronte là sa première grande crise depuis son arrivée, quinze jours plus tôt, Rue de Varenne.
Aucune annonce fracassante n’émerge de Matignon. Sur le perron, Marc Fesneau promet simplement une réponse « dans les prochains jours ». « Il faut y aller modestement, c’est plutôt mon genre », confie-t-il au Monde, vingt-quatre heures avant d’affronter les attaques de l’opposition dans l’Hémicycle. « Il faut d’abord qu’on entende, collectivement, la colère qui s’exprime », enjoint-il. « Il y a une exaspération, un cri qui dit : “Ecoutez-nous”, on a besoin d’envoyer des signaux pour redonner confiance », poursuit le ministre, conscient que les solutions qui seront proposées « jeudi ou vendredi » ne seront pas à même d’éteindre totalement le feu naissant.
Avant même de rencontrer les représentants de l’Etat, le patron de la FNSEA avait appelé à mener des actions « toute la semaine ». Conciliant, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, avait assuré le même jour qu’aucune « évacuation par les forces de l’ordre » ne serait orchestrée sur l’autoroute A64 bloquée par des agriculteurs manifestants, « car il n’y avait pas de dégradations sur le site », apportant ainsi son soutien aux agriculteurs. « Il faut laisser purger la colère », préconisait auprès du premier ministre, lundi avant la réunion, l’ancien député Renaissance de la Creuse Jean-Baptiste Moreau, qui fut rapporteur général de la loi EGAlim en 2018. « Le mouvement va s’étendre de toute façon, faire des annonces lundi soir ne changerait rien », estime cet ancien éleveur. Le décès mardi, au petit jour, d’une agricultrice renversée par « une voiture bélier [qui a] forcé le barrage » sur la RN20 – selon le témoignage du président des Jeunes Agriculteurs d’Occitanie, Romain Doustal, cité par La Dépêche du Midi – peut faire basculer le mouvement en accentuant la rage de la profession. « C’est dramatique », s’est ému Marc Fesneau joint par téléphone mardi matin.
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