« C’est une expérience inhabituelle pour un avocat », s’est ému Tembeka Ngcukaitobi depuis le hall des arrivées internationales de l’aéroport de Johannesburg, le 14 janvier. Un comité d’accueil était venu célébrer le retour de l’équipe juridique sud-africaine qui a porté, les 11 et 12 janvier, les accusations de génocide à Gaza contre Israël devant la Cour internationale de justice (CIJ) aux Pays-Bas.
Deux mois plus tôt, les Springboks, champions du monde de rugby, avaient été accueillis au même endroit. La ferveur était évidemment plus faible mi-janvier, mais le sentiment de fierté – celui d’avoir brillé sur la scène internationale – semble être partagé par une partie de l’opinion publique. « L’Afrique du Sud se tient du bon côté de l’histoire », lit-on dans la presse locale et sur les réseaux sociaux, alors que le Congrès national africain (ANC), le parti au pouvoir à Prétoria, est un indéfectible soutien de la cause palestinienne depuis son arrivée au pouvoir en 1994.
Nelson Mandela, dont un bronze est installé dans le palais de la Paix qui abrite la CIJ, à La Haye, ne fut pas uniquement l’homme du prix Nobel de la paix, mais aussi l’avocat du droit à l’indépendance des Palestiniens. Quand l’Afrique du Sud qualifie Israël de « régime d’apartheid », elle lie le sort des Palestiniens à sa propre histoire, alors que l’État hébreu avait été un allié du régime d’apartheid.
En réaction au carnage causé par les bombardements israéliens sur Gaza, responsables de la mort de plus de 24 000 personnes depuis l’attaque du Hamas du 7 octobre, Zane Dangor, le directeur du ministère sud-africain des affaires internationales, a dénoncé, dans une tribune publiée par le média News24, « l’échec général des institutions de la gouvernance mondiale pour arrêter le meurtre sans vergogne du peuple palestinien ». En dépit de « leurs défauts actuels », assure-t-il, « l’Afrique du Sud ne voudrait pas que la confiance dans les institutions internationales se dégrade davantage ».
Une diplomatie influencée par les alliances historiques de l’ANC
Reste que le désamour l’emporte régulièrement. En 2015, Pretoria avait refusé d’interpeller l’ancien président soudanais Omar Al-Bachir, en visite en Afrique du Sud, malgré des poursuites pour génocide émises par la CPI. L’année suivante, elle avait entamé une procédure de retrait de la Cour pénale internationale (CPI) avant de faire marche arrière. Des soupçons de retrait ont refait surface en 2023 au moment où, pour le sommet des Brics, elle voulait recevoir le président russe Vladimir Poutine sans l’arrêter malgré le mandat d’arrêt international émis par la CPI pour de présumés crimes de guerre commis en Ukraine.
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