Promoteur d’une alliance électorale bricolée à la va-vite en mai 2022 pour emporter une majorité de sièges à l’Assemblée nationale, Jean-Luc Mélenchon a attendu près de deux mois pour prononcer, le 30 novembre 2023, à Rochefort (Charente-Maritime), l’acte de décès de la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale (Nupes). La sanglante attaque du Hamas contre Israël, le 7 octobre, que La France insoumise (LFI), à la différence d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV), du Parti communiste français (PCF) et du Parti socialiste (PS), avait refusé de qualifier de terroriste, a balayé les derniers faux-semblants d’une union déjà à l’agonie. « Il n’y a plus de Nupes, a fini par reconnaître le triple candidat à l’Elysée. Alors on fait semblant qu’il y en a quand même une. (…) Ce qu’on a construit est déjà détruit. »
Toute la gauche se veut internationaliste. Pourtant, depuis un siècle, et le congrès de Tours de décembre 1920, où les minoritaires de la SFIO s’étaient inclinés devant les majoritaires qui, en adhérant à la IIIe Internationale communiste, avaient fait naître le PCF, le clivage n’a cessé de grandir entre deux gauches sur la politique internationale. « Il y a un vrai désaccord idéologique sur l’international entre une gauche réformiste et une gauche radicale qui n’ont pas la même vision du monde, de l’Europe et des Etats-Unis », explique Marc Lazar, historien et sociologue.
Les exemples abondent dans l’histoire. En 1936, avec l’avènement du Front populaire, les deux gauches se réconcilient, de par la volonté de l’URSS. Le PCF ne dénonce pas le refus de Léon Blum d’intervenir aux côtés des Républicains espagnols, mais il se démarque en menant campagne pour « des canons, des avions pour l’Espagne ». En décembre de la même année, ses députés s’abstiennent quand Blum réclame un vote sur sa politique étrangère. Et le parti se lance ouvertement dans l’aventure des Brigades internationales.
Désaccords de fond
Jusqu’à la disparition de l’URSS, le PCF restera, à de rares exceptions, inféodé à Moscou. Ainsi le parti célèbre-t-il, à l’opposé de la SFIO, pourtant fracturée sur le pacifisme, le pacte germano-soviétique, signé le 23 août 1939, jugeant que l’action de l’URSS « concourt à raffermir la paix générale », ce qui entraînera son interdiction. Le 4 mai 1947, à l’aube de la guerre froide, le soutien à l’URSS du PCF conduit le président du conseil socialiste, Paul Ramadier, à exclure les ministres communistes. En 1956, le PCF condamne la décision du socialiste Guy Mollet de participer à l’expédition de Suez contre l’Egypte avec le Royaume-Uni et Israël. Sur la guerre d’Algérie, la gauche peine à s’unir. Les communistes ne rejoignent pas François Mitterrand qui, ministre de l’intérieur en novembre 1954, a proclamé que « l’Algérie, c’est la France » et qui, en 1957, garde des sceaux, donne un avis défavorable à la grâce de Fernand Iveton, un militant communiste condamné à mort. Pourtant, en 1956, défendant non pas l’indépendance mais « la paix en Algérie », le PCF vote les pouvoirs spéciaux à Guy Mollet. La dureté de la répression l’amène ensuite à soutenir la cause indépendantiste du FLN algérien et à militer, comme les socialistes sur le tard, pour l’indépendance.
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