Diagnostiquer au plus tôt les infections par le VIH, pour les traiter au plus tôt. Une étude publiée le 11 janvier dans la revue Nature Communications livre un argument de poids en faveur de cette stratégie. Car, au-delà de l’intérêt collectif – stopper la chaîne de contamination –, le bénéfice est aussi individuel. Un traitement antirétroviral précoce, montre ce travail, favorise une réponse immunitaire durable, capable de neutraliser le virus même après arrêt du traitement. Menée chez le macaque, l’étude est signée par des équipes de l’Institut Pasteur (Paris), du CEA et de l’Inserm (université Paris-Saclay).
De quoi mieux comprendre un phénomène observé dans les années 2000 chez un petit groupe de patients, les « contrôleurs post-traitement ». En France, trente et un d’entre eux sont suivis au sein de la cohorte Visconti. Ils ont bénéficié de façon précoce d’une combinaison d’antirétroviraux, la fameuse trithérapie (pour 80 %, dans les trois mois après la primo-infection), qu’ils ont suivie plusieurs années (trois ou quatre ans, en durée médiane). Alors même qu’ils ont stoppé leurs médicaments, le virus est resté indétectable dans leur sang jusqu’à vingt-trois ans après cet arrêt, la durée médiane du suivi étant de quatorze ans. Un phénomène très rare : dans l’immense majorité des cas, dès qu’un patient interrompt sa thérapie antirétrovirale, le VIH se multiplie de nouveau et la maladie progresse.
Comment expliquer ce contrôle du virus ? En 2013, l’importance d’instaurer très tôt le traitement – la trithérapie – a été invoquée. Restait à le prouver formellement. Les auteurs ont comparé trois groupes de macaques infectés par le SIV, virus de l’immunodéficience simienne. Ce modèle permet un contrôle des autres paramètres (sexe, âge, terrain génétique, souche du virus…) susceptibles de modifier les réponses immunitaires et la progression vers la maladie.
Eduquer la réponse immune
Le premier groupe (11 animaux) a reçu une trithérapie standard quatre semaines après l’infection (phase aiguë). Le deuxième (11 animaux) a débuté ce même traitement six mois après l’infection (phase chronique). Dans les deux cas, le traitement a été interrompu au bout de deux ans. Quant au troisième groupe (17 animaux), il n’a pas été traité.
Résultats : 9 des 11 macaques traités précocement ont contrôlé la multiplication du virus dans le sang, contre seulement 2 des 11 singes traités tardivement et 2 des 17 non traités. « Le traitement précoce a très fortement accru la probabilité du contrôle viral après l’interruption du traitement », résume Asier Saez-Cirion, de l’Institut Pasteur à Paris, qui a coordonné l’étude avec Roger Le Grand, de l’université Paris-Saclay (CEA, Inserm). Si le traitement est mis en route cinq mois plus tard, la « fenêtre d’opportunité » est passée.
Il vous reste 50% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.