Le procès des proches de Radouane Lakdim, auteur des attentats de Trèbes et Carcassonne qui ont fait quatre morts dont le gendarme Arnaud Beltrame, en 2018, s’est ouvert ce lundi à Paris. Les accusés encourent jusqu’à 30 ans de réclusion criminelle.
Sa mort avait ému tout le pays. En prenant la place d’une otage, le gendarme Arnaud Beltrame avait perdu la vie et reçu un hommage national. Six ans plus tard, le procès des proches de l’auteur des attentats de Trèbes et Carcassonne, qui avait fait quatre morts en 2018, s’est ouvert à Paris, ce lundi 22 janvier.
L’assaillant, Radouane Lakdim avait été tué lors de l’assaut du GIGN dans un supermarché de Trèbes (Aude) où il s’était retranché. L’audience s’est ouverte peu après 10 h 00 dans la salle « grands procès » du palais de justice de la capitale.
Les sept accusés – une femme et six hommes âgés de 24 à 35 ans – comparaissent détenus pour deux d’entre eux et libres sous contrôle judiciaire pour les autres. L’un d’eux était absent à l’ouverture de l’audience. Le président Laurent Raviot a ordonné qu’il soit amené par la force, et l’audience s’est poursuivie, avec la liste des personnes se constituant parties civiles.
Parmi elles, la mère et les deux frères d’Arnaud Beltrame, le lieutenant-colonel qui avait pris la place de l’otage de l’assaillant et avait été mortellement blessé, ont pris place en face des accusés, sur le banc des parties civiles.
Prise d’otage au Super U
Au matin du 23 mars 2018, ce dealer de 25 ans d’une cité difficile de Carcassonne, très radicalisé et surveillé pour cela (fiché S), se rend sur un parking qui a la réputation d’être un lieu de rencontre homosexuel.
Il vise deux hommes dans une voiture. L’un d’eux, 61 ans, décède. L’autre homme sera grièvement blessé.
L’assaillant poursuit son périple en voiture à Carcassonne, croise quatre policiers faisant leur footing, tire dans leur direction. L’un d’eux sera gravement blessé.
Un peu avant 10 h 30, Radouane Lakdim arrive au Super U de Trèbes, une commune voisine de Carcassonne. Là, il tue le chef-boucher de 50 ans du magasin et un client, maçon à la retraite de 65 ans, chacun d’une balle dans la tête.
Il crie « Allah Akbar », invective les gens entre les rayons, brandit son revolver, puis il prend en otage l’agente de 39 ans cachée dans le local derrière le stand d’accueil.
Il lui ordonne d’appeler la gendarmerie. Au téléphone, il ne laisse planer aucun doute sur ses motivations, se présentant comme un « brigadier de l’État islamique » ou évoquant les bombardements de la France en Syrie.
À lire aussiAttaques de l’Aude : la révolution de l’antiterrorisme français n’aura pas suffi à éviter le pire
Hommage national
« Depuis le temps que je veux faire ça », dit-il aussi aux gendarmes, se vantant de ses crimes commis plus tôt dans la matinée : « Les CRS, je les ai canardés », « J’ai allumé deux pédés (…) deux balles dans la tête, sans pitié ».
Au bout d’une heure, le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, 44 ans, entre et convainc le jihadiste de le prendre otage, lui, à la place de l’agente.
Le GIGN (unité d’intervention d’élite de la gendarmerie) donne l’assaut vers 14 h 30. Radouane Lakdim est abattu. Arnaud Beltrame, grièvement blessé au couteau au niveau du cou par l’assaillant, décédera à l’hôpital.
Un hommage national est rendu quelques jours plus tard aux Invalides à Paris, à celui qui est unanimement qualifié de « héros ». « Sa grandeur a sidéré la France », dira le président Emmanuel Macron.
À lire aussiLe lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, un héros à la trajectoire d’excellence coupée net
L’attentat avait été revendiqué par l’organisation État islamique (EI), une revendication opportuniste selon les enquêteurs, aucun contact avec l’assaillant n’ayant été établi.
Devant la cour d’assises spéciale de Paris, aucun des sept proches de Radouane Lakdim – six hommes et une femme âgée de 24 à 35 ans comparaissant pour la plupart libres sous contrôle judiciaire – ne sera jugé pour complicité des crimes commis.
Ils comparaîtront surtout pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle », punie d’un maximum de 30 ans de réclusion criminelle.
« Tuer les mécréants »
Sur le banc des accusés : Marine Pequignot, à l’époque la petite amie de Radouane Lakdim (elle avait alors 18 ans), très radicalisée également. Elle savait, selon l’accusation, ce dont il était capable.
Aux enquêteurs, elle a expliqué qu’il adorait les armes (il avait « cinq ou six machettes et des couteaux », « deux fusils à pompe », un pistolet) et disait souvent que « par rapport aux mécréants, il allait péter les plombs ».
Sera aussi jugé le beau-frère de Radouane Lakdim, Ahmed Arfaoui, 29 ans, soupçonné notamment d’avoir « nettoyé » en catastrophe l’appartement du jihadiste le jour de l’attentat avant la perquisition, en emportant un grand sac plein.
Est également renvoyé devant la cour Samir Manaa, 28 ans, l’ami qui a accompagné Radouane Lakdim dans le magasin de chasse et pêche où l’assaillant a acheté le couteau qui a mortellement blessé Arnaud Beltrame. Pour l’accusation, cet ami connaissait pourtant « ses velléités jihadistes et sa dangerosité ».
Considéré comme le « chef » du trafic de drogue de la cité, Reda El Yaakoubi, 34 ans, est notamment accusé d’avoir fait travailler Radouane Lakdim, « aidant de ce fait matériellement et financièrement » l’assaillant alors qu’il était « parfaitement conscient » de son état d’esprit : Radouane Lakdim posait sur les réseaux sociaux avec des armes sur fond d’appel au jihad, parlait régulièrement de « tuer les mécréants », et prévenait qu’il passerait « sur BFMTV », selon des proches.
Le procès doit durer jusqu’au 23 février.
Avec AFP