Il fut le grand ordonnateur de la gauche festive. Le chef d’orchestre des cérémonies qui ont rythmé les dix ans de règne de Jack Lang sur la culture, avec François Mitterrand en imperator (1981-1986, puis 1988-1993). Il bombardait le ministre d’idées et les réalisait avec maestria, donnant au socialisme rose une patte populaire et créative, propre à séduire la jeunesse et à souder le pays. Architecte de formation, jamais encarté au Parti socialiste, Christian Dupavillon est mort, le 22 janvier, à Paris. Il avait 83 ans.
Ses faits d’armes ? Fête du 10 mai 1981 à la Bastille après la victoire de François Mitterrand ; investiture du même président, le 21 mai 1981, montant seul à pied la rue Soufflot, une rose à la main, sur l’Ode à la joie de Beethoven, avant de pénétrer dans le Panthéon ; Fête de la musique en 1982 (devenue incontournable) ; défilé militaire nocturne du 14 juillet 1982 (jamais reproduit) ; transfert des cendres de Condorcet, de Monge et de l’abbé Grégoire au Panthéon en 1989 ; défilé virevoltant et extravagant de Jean-Paul Goude sur les Champs-Elysées, le 14 juillet 1989, pour fêter le bicentenaire de la Révolution. « Souvent, il pleuvait », s’amusait Christian Dupavillon, quand il évoquait ces fiestas.
Dupavillon est un compagnon de route de trente ans de Jack Lang, liés par la passion du théâtre. Ils se rencontrent à Nancy, au milieu des années 1960. Le premier est étudiant en architecture, le second dirige un festival de théâtre qui gagne vite en réputation. « On ne s’est plus quittés, raconte aujourd’hui Jack Lang. Ce garçon fin et doté d’une érudition folle avait du nez et un œil. Et quel enthousiasme ! »
Dupavillon devient « prospecteur » du festival : faire le tour du monde pour dénicher des talents. C’est lui, entre autres, qui repère à New York la très politique troupe du Bread and Puppet Theatre, militante antiguerre du Vietnam, et la fait venir avec ses marionnettes géantes pour animer les rues de Nancy en 1968 – ce temps fort propulse un peu plus le festival.
Redonne vie à d’anciens sites industriels
Dupavillon n’a jamais exercé comme architecte, mais il trouve des professionnels pour bâtir ses idées. Il est un des premiers à penser que des sites industriels en déshérence peuvent revivre comme lieux culturels, porter des utopies, inventer une autre façon de créer et de diffuser des œuvres. Cette préoccupation de la friche est au centre d’un numéro de la revue L’Architecture d’aujourd’hui, titré « Les Lieux du spectacle », dont il est le pilote, en 1970.
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