Ces dernières années, pendant que les collèges publics luttaient contre la ségrégation, la ghettoïsation des collèges privés n’a cessé d’augmenter. Aujourd’hui, les établissements privés participent incontestablement au renforcement de la ségrégation scolaire en raison de frais de scolarité qui peuvent évincer certaines familles modestes, et de stratégies de recrutement des élèves qui ne prennent pas suffisamment en compte les objectifs d’ouverture sociale. Deux phénomènes auxquels s’ajoutent les choix de certaines familles.
Les chiffres sont éloquents : les collèges privés accueillent deux fois plus d’élèves socialement très favorisés (41,7 % contre 20,5 %) et deux fois moins d’élèves défavorisés (16 % contre 40 %) que les collèges publics. Certes, l’enseignement privé n’est pas homogène, mais dans de nombreuses métropoles, le choix des familles d’inscrire leurs enfants au sein d’un établissement privé de centre-ville n’a plus rien à voir avec son « caractère propre » : il répond à une stratégie d’évitement.
Rien ne justifie que ces établissements, financés par l’Etat et les collectivités à plus de 70 %, soient tenus à l’écart des objectifs de mixité sociale que le législateur a fixés au service public d’éducation, dont ils sont une composante. Rien ne justifie ce paradoxe d’une école financée par la République sur fonds publics qui tolère, voire organise, le tri silencieux et bien réel des élèves selon leur origine sociale.
Il est donc grand temps de renouveler en profondeur les relations de l’Etat avec l’enseignement privé dans notre pays, sans remettre en cause la reconnaissance de sa liberté d’organisation : une réduction de dix points de l’indice de positionnement social des collèges privés est nécessaire pour les rapprocher de la composition sociale des collèges publics hors éducation prioritaire.
Redevenir un partenaire exigeant
Lesdits établissements privés savent quels chemins emprunter et peuvent d’ailleurs décider librement de ceux qu’ils privilégieront, dès lors que cela aura pour effet d’accueillir une plus grande diversité d’élèves, dans le cadre de politiques de recrutement moins élitistes. L’Etat, quant à lui, dispose de quelques arguments et des moyens de ses ambitions, s’il cesse de se comporter comme un observateur passif pour redevenir un partenaire exigeant, selon un principe simple : la modulation des moyens des établissements en fonction des caractéristiques sociales des élèves.
Or, les relations entre l’Etat et les établissements privés dits précisément « sous contrat » sont en réalité minimalistes : la majorité des établissements privés et des rectorats récemment visités par la Cour des comptes n’ont même pas été en situation de produire le « contrat » d’association censé fixer le cadre de ces rapports. Leur contenu, formel et ancien, n’intègre de toute façon aucun objectif précis et n’est assorti dans les faits d’aucune forme de contrôle.
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