Quatre années de chocs sur l’économie mondiale et une inflation en ralentissement très progressif compliquent la tâche des pays africains, soumis en parallèle aux soubresauts politiques et à de grandes réformes financières internationales qui devraient tarder à montrer leurs effets.
L’économie mondiale en mauvaise passe
La flambée inflationniste mondiale provoquée par la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine a entraîné une forte hausse des taux d’intérêt d’emprunt des Etats à travers le monde, particulièrement en Afrique, qui voit aujourd’hui plus de 20 pays présenter un risque élevé ou une situation de surendettement, selon la Banque mondiale.
Les taux « ont augmenté dans des proportions supérieures dans les pays émergents et en Afrique » en comparaison avec les pays développés, a détaillé, jeudi 25 janvier, Thomas Melonio, directeur de la recherche à l’Agence française de développement (AFD), à l’occasion de la présentation de l’ouvrage L’Economie africaine 2024. Ces taux d’intérêt devraient se normaliser au deuxième semestre, selon l’économiste, qui met en avant l’emprunt record de 2,6 milliards de dollars (environ 2,4 milliards d’euros) souscrit par la Côte d’Ivoire cette semaine sur les marchés.
L’incertitude à l’échelle mondiale persiste toutefois, entre une inflation pas encore apaisée durablement et le risque de la voir rebondir du fait des perturbations importantes sur la circulation des navires commerciaux en mer Rouge en raison d’attaques de rebelles houthistes.
Tarissement des aides et investissements
Les difficultés de l’économie mondiale ont eu pour conséquence un retrait progressif de la Chine, encore récemment prêteur incontournable de nombreux pays africains dont l’Angola, l’Ethiopie et le Kenya. Un peu plus de 2 milliards de dollars ont été prêtés sur le continent par la Chine entre 2021 et 2022, contre 170 milliards entre 2000 et 2022, montre une base de données de l’université de Boston.
Conséquence indirecte de la guerre en Ukraine, les montants d’aide au développement ont quant à eux nettement diminué, a montré l’OCDE dans un rapport faisant le bilan de 2022 : ils sont en baisse de 8 %, là où les flux vers Kiev sont passés en un an de moins de 1 milliard à 16 milliards de dollars.
Les chiffres pour 2023 sont attendus en avril, mais l’Afrique met d’ores et déjà l’accent sur l’importance des investissements privés plutôt que l’espoir d’une hausse de l’aide au développement, à l’heure où ce continent ne représente que 0,2 % des jeunes entreprises dans le monde en termes de valeur.
Des réformes financières lentes
Lors des grands rendez-vous internationaux, les appels à ce que les organisations financières internationales se réforment au profit de la lutte pour le développement et le climat sont en tête des débats, mais les résultats tangibles devraient tarder, de l’avis des organisations de défense de l’environnement, qui font cause commune avec les pays en développement dans les négociations internationales.
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Après l’arrivée de son nouveau président, Ajay Banga, la Banque mondiale a lancé plusieurs réformes visant à réécrire l’architecture financière internationale, qui remonte à la deuxième guerre mondiale. Au cours de la dernière COP aux Emirats arabes unis, elle a notamment dit souhaiter consacrer jusqu’à 45 % de ses financements au climat d’ici à 2025, tandis que son bras dans le secteur privé, la Société financière internationale (IFC), entend elle aussi participer à ces réformes.
Les discussions prendront du temps, de l’avis du directeur général de l’AFD, Rémy Rioux : « Cette année n’est pas la plus propice, car la moitié de la population du monde va aux élections », a-t-il affirmé jeudi, misant sur des négociations plus concrètes en 2025.
Des coups d’Etat à répétition
Huit coups d’Etat en trois ans : le bilan des bouleversements politiques a été chargé ces dernières années sur le continent, qui a vu le Gabon, le Niger, le Burkina Faso, le Soudan, la Guinée et le Mali changer brutalement de régime.
Maintenir des investissements et des programmes d’aide devient alors plus difficile, et plusieurs Etats développés et institutions internationales ont préféré suspendre leurs aides dans certains pays touchés par des renversements de régime.
« On est impactés par la dégradation des relations politiques », a reconnu Rémy Rioux au sujet du Sahel, soulignant toutefois qu’« on continue certains projets engagés sur un mode dégradé », plusieurs mois après la décision française de suspendre ses aides au développement au Niger et au Burkina Faso.