A mauvaise pratique législative, censure du Conseil constitutionnel. L’institution de la rue de Montpensier a très largement censuré, jeudi 25 janvier, la loi sur l’immigration. Circonstance inédite, il aura fallu deux jours de délibérations aux neuf juges constitutionnels pour défaire en partie ce que le Parlement avait mal fait. Adoptée dans la précipitation avant les fêtes de fin d’année, sans que la moindre lecture ait pu avoir lieu à l’Assemblée nationale, cette loi controversée avait peu de chances de passer sans encombre l’examen de ces juges. Elle a de fait été amputée de plus d’un tiers de ses articles (35 sur 86). « Un tiers de la loi censuré, c’est exceptionnel, souligne le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier, rédacteur de la saisine des 60 sénateurs socialistes, communistes et écologistes. Cela montre bien que le législateur, avec la bénédiction du gouvernement, a fait n’importe quoi. »
La plupart des mesures censurées (32 sur 35) le sont au titre de « cavaliers législatifs » : introduites par amendement, elles ont été jugées sans lien suffisant avec le projet de loi initial. Il s’agit notamment de l’accès durci aux prestations sociales pour les étrangers, de plusieurs restrictions des conditions du regroupement familial ou encore de la caution demandée aux étudiants étrangers en France pour prévoir leur retour, voulue par la droite, mais qui n’était « pas une bonne idée », jugeait Emmanuel Macron le 20 décembre.
En censurant ces articles pour un motif de forme, le Conseil constitutionnel ne se prononce pas sur leur conformité, sur le fond, avec la Constitution. Rien n’empêche donc que ces mesures soient proposées dans de nouveaux textes. Au Sénat, Hervé Marseille, président du groupe centriste, a annoncé jeudi soir qu’il déposerait une proposition de loi qui reprendrait « une grande partie » des articles censurés comme cavaliers législatifs. Tandis que la droite exige que le gouvernement « reprenne au plus vite dans un texte législatif spécifique l’ensemble des dispositions invalidées » par les juges constitutionnels. Une hypothèse exclue par le gouvernement.
L’entourage du ministre de l’intérieur rappelle que Gérald Darmanin « a dit vingt et une fois au cours des débats que ces dispositions relevaient de l’irrecevabilité », et qu’elles n’ont été acceptées par l’exécutif que pour « des raisons de compromis ». En clair, pour s’assurer du vote des députés Les Républicains (LR) dans l’hémicycle. Ces derniers, en votant la motion de rejet le 11 décembre, « n’ont pas voulu faire le travail législatif sérieux qui aurait permis de sécuriser ces mesures, balaie-t-on place Beauvau. Ils ont voulu faire un coup politique, ils n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes ».
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