Le chat a mâchouillé l’aloe vera. L’une de ses branches dessine désormais un angle droit, les autres pendouillent, toutes flasques. Sous la pleine lumière de la serre municipale de Cachan (Val-de-Marne), la succulente posée au centre d’une table en acier fait l’objet d’un examen minutieux.
« J’ai voulu éloigner l’aloe vera du chat, je l’ai mis sur le rebord de la fenêtre, avoue d’emblée sa propriétaire, Nedra Daoud, soulageant sa conscience. Il en a pris un sacré coup, le pauvre…
— L’aloe vera est une vivace tropicale qui ne supporte pas le gel, rappelle sans reproche Arnaud Zellek, le responsable des serres municipales. Vous voulez me la laisser deux mois ? Je vous donnerai des nouvelles, par courriel, avec une photo.
— Oui, elle sera en sécurité, accepte, soulagée, Mme Daoud. Et de caresser l’une des feuilles molles. On va prendre soin de toi ici… »
Il y a de l’humour dans l’air frais de la serre. Mais le ton de l’échange n’est pas totalement à la plaisanterie, entre le jardinier aux cheveux ras et la couturière dont les longueurs blondes s’échappent du béret. « J’étais chagrinée, c’est une amie qui déménageait qui me l’a offert, cet aloe vera, il a une valeur sentimentale, précise-t-elle. Et la nature dans la maison, cela me procure un certain bien-être. »
Conseils par courriel et soins intensifs
Le drame botanique sera donc évité grâce à ce nouveau service offert depuis septembre aux habitants de Cachan. Une clinique des plantes gratuite qu’ils peuvent contacter par courriel, joignant une petite photo de la malade. En retour, ils reçoivent conseils ou rendez-vous sur place, pouvant conduire le végétal agonisant en soins intensifs, avec pour compagnons de séjour sous serre les futures plantations d’une commune labellisée quatre étoiles pour son fleurissement.
Madame la maire (PS) de Cachan, Hélène de Comarmond, goûte le plaisir d’être pionnière dans la « lutte contre le gaspillage végétal », tout en valorisant « les compétences incroyables des jardiniers » : « Ils discutent avec les habitants qui leur demandent des conseils, nous n’avons fait qu’institutionnaliser ce qui existait déjà. »
Arnaud Zellek, lui, assure ne jamais se lasser d’entendre les Cachanais parler de leurs orchidées, bégonias, ficus ou Pilea peperomioides. « On comprend ce que ces plantes leur apportent, on se projette un peu chez eux… » Certes, les misères que subissent les végétaux urbanisés se répètent : arrosage mal dosé, pots dépourvus de trou de drainage, terre épuisée après des années sans rempotage, manque de lumière naturelle… « Les gens pensent : “Elle fera bien, là, c’est joli.” Mais encore faut-il que l’emplacement soit adapté, explique, cette fois avec un grand sérieux, le jardinier municipal. Une plante n’est pas un objet de décoration. »