Tout part de l’annonce, le 11 mai 2021, du décès, à 46 ans, de Bernard Lachance. Ce chanteur québécois, mort du sida, était persuadé qu’il n’était pas malade. Il était même une figure de proue d’un mouvement complotiste selon lequel le sida ne serait qu’une vaste fraude, qui aurait été inventée par l’industrie pharmaceutique dans le but de s’enrichir.
Olivier Bernard, qui porte la double casquette de pharmacien et de vulgarisateur scientifique, s’est emparé de cette histoire pour en faire le point de départ de la troisième saison de son podcast, « Dérives ». Il s’est d’ailleurs déjà fait connaître au Québec sous le nom du « Pharmachien » pour son blog éponyme, sur lequel il décortique consciencieusement de fausses croyances qui touchent à la santé – comme les injections de vitamine C qui permettraient prétendument de guérir du cancer.
Le « côté obscur » de la science
Cette fois, dans cette série de huit épisodes, il se concentre sur les scientifiques qui « basculent », entraînant de nombreuses victimes dans leur sillage. Au fil des épisodes, construits comme une enquête qu’il conduit et partage pas à pas, Olivier Bernard découvre en effet que le chanteur s’inspire de nombreux ex-médecins, autrefois reconnus, qui forment un vaste réseau complotiste opposé au consensus scientifique.
Parmi eux, Guylaine Lanctôt. Elle s’est fait connaître en publiant, en 1994, La Mafia médicale, un livre dans lequel elle soutient que l’industrie pharmaceutique ne vendrait des médicaments que pour rendre les gens encore plus malades.
On croise également le nom de Luc Montagnier, qui a affirmé que le corps humain pouvait se débarrasser du virus du VIH en quelques semaines à condition de maintenir une bonne alimentation. Ce même médecin et chercheur qui avait reçu le prix Nobel de médecine en 2008 pour avoir découvert… le virus du VIH.
Comment (et pourquoi) certains scientifiques passent-ils ainsi du « côté obscur » de la science ? Comment faire la différence entre un visionnaire et un marginal ? A qui peut-on faire confiance, si même des médecins, voire des Prix Nobel, peuvent tenir de tels propos ? Doit-on leur donner la parole dans les médias, pour laisser le public se faire « sa propre idée » ? Telles sont les questions qui guident le vulgarisateur scientifique en quête de réponses.
Il en vient même à se demander si lui-même, en tant que professionnel de la santé, est réellement à l’abri de cette pente glissante. « Est-ce que ça pourrait m’arriver à moi aussi, un jour ? », lance-t-il au troisième épisode. « De fausses croyances sur la santé et la science, j’en ai eu plein dans ma vie, et probablement que j’en ai encore, sans m’en rendre compte (…). Involontairement, je pourrais partager des théories pas tout à fait consensuelles, ou même y intégrer mes propres théories ou mes opinions. » Un appel à la prudence et à l’humilité, au milieu de cette enquête sur les traces de ces scientifiques déchus qui restent, encore aujourd’hui, dangereusement influents.
Il vous reste 5% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.