Face à la menace d’un « siège de Paris » brandie par les agriculteurs, lundi 29 janvier, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, doit tenter de résoudre une équation complexe. D’abord, ménager une corporation au fort pouvoir de nuisance, dont les revendications ont par ailleurs les faveurs de l’opinion. Ensuite, contenir tout risque de débordement, vingt-quatre heures avant le discours de politique générale du premier ministre, Gabriel Attal, prévu mardi devant l’Assemblée nationale. Enfin, empêcher un embrasement, synonyme d’une crise sécuritaire durablement enracinée qui mobiliserait des forces de l’ordre en nombre à quelques mois des Jeux olympiques.
Dimanche soir, au sortir d’une réunion de la cellule interministérielle de crise, M. Darmanin a donc de nouveau insisté sur les consignes de « modération » délivrées aux forces de l’ordre, qui devront s’abstenir d’« intervenir sur les points de blocage » et plutôt œuvrer à les « sécuriser ». Si ce « dispositif défensif » n’est pas connu dans le détail, 15 000 policiers et gendarmes devraient être déployés afin de prévenir toute asphyxie des grandes villes. Les images des blindés de la gendarmerie mobile filmées à l’occasion de leur déploiement aux abords du marché international de Rungis (Val-de-Marne) ont agi comme une démonstration de force et plusieurs lignes rouges ont également été tracées : non seulement à Rungis, point d’approvisionnement alimentaire de la région parisienne, mais également autour des principaux aéroports d’Ile-de-France, à Roissy-Charles-de-Gaulle et à Orly, ainsi qu’aux points d’entrée dans Paris.
Depuis le début de la crise, M. Darmanin expérimente les subtilités de la théorie de la désescalade, qui consiste à prévenir tout risque d’incident au cours d’opérations de maintien de l’ordre en misant sur l’apaisement plutôt que sur les déclarations martiales. Une découverte. Jeudi 25 janvier, invité sur le plateau du journal télévisé de TF1, le ministre de l’intérieur assumait ainsi ne pas vouloir répondre « à la souffrance [des agriculteurs] en envoyant des CRS », alors que des centaines de tracteurs et d’autres engins agricoles bloquaient des portions entières d’autoroute.
Le précédent des « gilets jaunes »
« Est-ce qu’ils s’en prennent aux bâtiments publics, est-ce qu’ils mettent le feu aux bâtiments publics ? Ce n’est pas le cas », se justifiait-il alors. Depuis, des locaux du service des douanes du Gard ont été incendiés à Nîmes, vendredi soir, le parking d’un Leclerc Drive endommagé à Clermont-l’Hérault (Hérault), jeudi. Une semaine plus tôt, les bâtiments de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement ont été littéralement soufflés par une explosion à Carcassonne – des inscriptions du Comité d’action viticole ont été retrouvées sur place.
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