Le discours de politique générale du premier ministre a montré combien les préoccupations des Français concernant leur travail sont au cœur du débat public. Le 30 janvier, Gabriel Attal a mentionné pas moins de quarante fois le mot « travail » ! De quoi a-t-il été question ? Désmicardiser, récompenser les efforts, « que le travail paie mieux et toujours plus que l’inactivité », inciter au travail en réduisant une nouvelle fois les allocations-chômage (suppression de l’allocation de solidarité spécifique, nouvelle modification des règles d’indemnisation si les comptes ne sont pas tenus). Mais est-ce que cela répond aux préoccupations des Français ?
Indéniablement, face à l’inflation, les Français souhaitent une augmentation de leur salaire, comme le montrent les nombreux sondages qui soulignent que le pouvoir d’achat est aujourd’hui une préoccupation centrale. Mais pourquoi les salaires n’augmentent-ils pas ? Le premier ministre reprend les analyses en matière de trappes à bas salaires que les politiques d’exonérations de cotisations sociales ont créées. Les effets de seuil induits par cette politique n’incitent pas les employeurs à dépasser le smic. Pour autant, il ne semble pas que Gabriel Attal ait annoncé la fin de ces politiques.
Pour les salaires plus élevés, il est peu probable que le premier ministre annonce des exonérations supplémentaires : leur efficacité en matière d’emploi est fortement remise en cause, notamment par le rapport des députés Marc Ferracci (Renaissance) et Jérôme Guedj (PS).
Pense-t-il sans le dire à une désindexation du smic, qui ferait augmenter le salaire minimum aussi lentement que le reste des salaires, et donnerait donc à ceux qui le touchent une marge relative de progression ? Car c’est bien là le nœud du problème qu’il n’aborde pas : pourquoi les salaires au-dessus du smic augmentent-ils si peu, alors que le chômage baisse et que de nombreux métiers sont en tension ?
Précarisation du travail
Ne faut-il pas expliquer ce paradoxe par les politiques de libéralisation du droit du travail, commencées au début des années 2000 et renforcées par les ordonnances de 2017, qui, avec leurs mesures sur les contrats courts, l’intérim et l’externalisation, destinées à créer des emplois à moindre coût, réduisent la capacité de négociation des syndicats sur les enjeux salariaux ? Le maintien de salaires bas par la précarisation du travail est l’une des causes majeures de la stagnation des salaires. Or, comme le montre l’économiste Pierre Courtioux, c’est bien de cette précarisation du travail dont souffrent les classes moyennes, surtout les moins aisées, que le premier ministre veut sauver des griffes du RN. Encore faudrait-il qu’il en comprenne les difficultés.
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