Les syndicats majoritaires, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et Jeunes Agriculteurs (JA), ont appelé jeudi 1er février à suspendre les blocages d’agriculteurs en France au vu des annonces du premier ministre, Gabriel Attal.
« Nous avons décidé qu’à l’heure actuelle, au vu de tout ce qui avait été annoncé (…), il faut qu’on change de modes d’action et donc nous appelons nos réseaux (…) à suspendre les blocages et à rentrer dans une nouvelle forme de mobilisation », a expliqué le président des JA, Arnaud Gaillot, aux côtés du patron de la FNSEA, Arnaud Rousseau, lors d’une conférence de presse à Paris au siège de la FNSEA.
L’objectif est désormais que les agriculteurs sur les points de blocage « se replient en bon ordre pour rentrer dans les fermes en toute sécurité » et que « ce chemin retour se passe dans les meilleures conditions. » Concernant les « endroits où les gens ne voudront pas partir, (…) on s’en expliquera avec eux », a-t-il affirmé.
« Dès lundi, on va se mettre au travail dans les préfectures, dans les ministères, pour aller travailler tous les points qui ont été annoncés, pour aller voir comment on les met en application, comment on fait pour que ça se concrétise réellement sur le terrain », a ajouté, de son côté, le président des JA, Arnaud Gaillot.
« Il nous faut des actes »
« Au moment où nous sommes, nous avons été entendus sur un certain nombre de points, avec des avancées tangibles », a poursuivi M. Rousseau. « Mais il y a aussi des choses qui ne sont pas au rendez-vous et qu’il faudra éclairer », a-t-il ajouté. « Il nous faut des actes, il nous faut des choses concrètes. Les agriculteurs ne veulent pas simplement des mots », a-t-il poursuivi.
Le patron de la FNSEA s’est notamment dit « sensible à l’annonce de mesures d’urgence qui concernent le GNR [gazole non routier], l’indemnisation sanitaire et climatique, et le versement rapide des dernières aides » versées par la PAC. Le président du plus important syndicat agricole a aussi salué que M. Attal ait rappelé un cap, « celui de la souveraineté, celui de la production et d’une politique agricole qui s’assume ».
Les syndicats posent plusieurs conditions pour ne pas reprendre le mouvement : de « premiers résultats » d’ici au Salon de l’agriculture (du 24 février au 3 mars), puis l’adoption d’une loi d’orientation et d’avenir agricole, ainsi que des mesures européennes d’ici au mois de juin. « Si d’ici le mois de juin, ces marqueurs ne sont pas remplis, nous n’hésiterons pas à re-rentrer dans un mouvement de mobilisation d’ampleur générale », a déclaré M. Gaillot.
Les deux responsables ont réclamé un document de synthèse mettant par écrit toutes les annonces du gouvernement. « Les gars bougeront pas tant qu’ils l’auront pas », a ajouté M. Rousseau. Il a mis en garde contre toute tentative d’« enfumage ».
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Avant le Salon de l’agriculture, « on a quinze jours pour regarder si tout ça, c’est sérieux, c’est crédible, ça tient la route », a insisté Arnaud Rousseau.
Le patron de la FNSEA a, de façon générale, salué « l’écoute » du premier ministre, Gabriel Attal, « pour essayer de comprendre ce que sont nos enjeux, nous recevoir, échanger, discuter et, finalement, annoncer en plusieurs salves des mesures d’urgence ». « Dans le même temps, nous nous interrogeons sur la surdité de l’Europe », a-t-il ajouté, évoquant « l’incompréhension grandissante entre une technostructure murée dans ses bureaux à Bruxelles et les réalités de ce que nous vivons dans nos exploitations »
La question est désormais de savoir si sur le terrain les agriculteurs répondront aux consignes, d’autant que nombre de manifestants ne sont pas syndiqués. Jeudi soir, plusieurs barrages ont commencé à être levés.
Renforcement des lois EGalim
Peu auparavant, M. Attal, pour sa troisième salve d’annonces en une semaine, a égrené des mesures qui, selon lui, répondent « à une grande partie des attentes » des agriculteurs et sont « de nature » à calmer la contestation.
« Nous voulons être souverains, souverains pour cultiver, souverains pour récolter, souverains pour nous alimenter », a-t-il résumé, promettant d’inscrire « l’objectif de souveraineté [alimentaire] dans la loi » et de consacrer « dans le code rural l’agriculture comme un intérêt fondamental de la nation ».
Parmi les annonces de jeudi figure un renforcement des lois EGalim qui visent à empêcher que les producteurs fassent les frais de la guerre des prix féroce entre supermarchés d’une part, et distributeurs et fournisseurs de l’agro-industrie d’autre part. Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a précisé que « toutes les grandes chaînes de supermarchés » seraient « contrôlées dans les prochains jours ».
M. Attal a également annoncé une enveloppe de 150 millions d’euros en soutien fiscal et social aux éleveurs. M. Le Maire avait déjà annoncé une mesure de défiscalisation pour les éleveurs bovins en octobre. Mais la Fédération nationale bovine (FNB) avait fait part la semaine dernière d’une « déception extrêmement forte » des éleveurs à ce sujet.
Pour faciliter le renouvellement des générations, Gabriel Attal a également annoncé le relèvement des seuils d’exonération sur les successions agricoles. Il s’est engagé à assouplir les règles sur les prairies et à dit vouloir empêcher l’importation en France de fruits et légumes traités avec l’insecticide thiaclopride, interdit en Europe.
Sur les phytosanitaires, le gouvernement a aussi lâché du lest, promettant notamment que le plan Ecophyto, visant à réduire l’usage des pesticides, serait mis « en pause ».
Il a, par ailleurs, demandé que la question de la limitation des importations de céréales ukrainiennes dans l’Union européenne soit incluse dans une négociation. L’UE n’a pas intégré les céréales dans une liste de produits « sensibles » sur lesquels les importations peuvent être freinées.
Emmanuel Macron appelle à « la mise en place d’une force européenne de contrôle sanitaire et agricole »
De Bruxelles, Emmanuel Macron a réclamé, de son côté, une série de mesures européennes en faveur des agriculteurs, qui manifestent dans une grande partie de l’UE, dont des simplifications « tangibles » de la PAC et une force sanitaire spéciale, pour « éviter » la « concurrence déloyale » entre Etats membres.
« Il y a un combat européen à mener », « il faut une Europe plus forte et plus concrète pour protéger le revenu de nos agriculteurs » et « une réduction drastique de la paperasse et de la complexité », a-t-il lancé lors d’une conférence de presse à l’issue d’un sommet européen à Bruxelles.
« Non l’Europe n’est pas sourde. Oui le défi est immense. Oui nous avons les moyens de le relever », a-t-il assuré. Le président Macron a notamment appelé à « la mise en place d’une force européenne de contrôle sanitaire et agricole » pour vérifier que les « règles européennes » sont appliquées partout de la même manière, avec des « contrôles homogènes ». Il faut s’assurer qu’il n’y ait pas « au niveau de l’Europe un contournement » des règles « par les grandes centrales d’achats européennes », a également lancé le chef de l’Etat.
M. Macron a par ailleurs demandé à la Commission européenne d’aboutir « à des simplifications concrètes et tangibles dès la fin du mois de février » en faveur des agriculteurs.
Il a aussi affirmé que les mécanismes mis en place pour freiner les importations massives de volailles, sucre et œufs ukrainiens seraient aussi étendus aux céréales, revendication-clé de la filière céréalière française.
Ce « mécanisme de sauvegarde renforcé » va permettre une « intervention » en cas de déstabilisation des cours au sein de l’UE, avec des droits de douane au-delà de certains « plafonds ».
Le président français s’est aussi félicité d’avoir fait en sorte que l’accord commercial controversé entre l’UE et les pays latino-américains du Mercosur n’ait pas « été conclu à la va-vite, comme certains menaçaient de le faire », « parce qu’on a élevé la voix, parce qu’on a montré des incohérences ».