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Soixante-dix ans après l’appel de l’abbé Pierre, des Français se cotisent pour loger des familles sans domicile

Un employé de la communauté Emmaüs dans un magasin de seconde main d’Emmaüs à Brest, le 30 mai 2023.

« C’est un jour inoubliable. » Le 27 décembre 2023, Jalila Touadjine et ses quatre enfants ont emménagé au 16e étage d’un HLM du quartier des Rives du Cher, à Tours. Les premiers temps, la cadette, âgée de 2 ans, arpentait le trois-pièces en disant : « notre maison est belle », raconte avec le sourire la mère de famille de 38 ans, elle aussi comblée. « C’est grand, sécurisé, au chaud, calme, stable… » Un havre, dix-huit mois après que cette diplômée d’un master en informatique a quitté l’Algérie, avec un visa de tourisme, parce qu’elle craignait pour la vie de sa fille, née après trois garçons et atteinte d’une grave parasitose.

Elle a choisi Tours parce qu’un médecin, sur le ferry, lui en avait recommandé l’hôpital. L’enfant y a été plusieurs fois hospitalisée. Il a fallu vivre « à droite et à gauche », passer des nuits dans des voitures, une maison abandonnée, à la rue, faute d’obtenir souvent des places en hébergement d’urgence. « Il y a eu des moments durs », confie Jalila Touadjine. Surtout quand elle a compris qu’on risquait de lui retirer la garde de ses enfants.

Elle n’en finit pas de remercier les bénévoles d’Emmaüs 100 pour 1 : « Ils m’ont donné un toit, des meubles, et aussi plus de courage pour continuer. » Cette association a été créée en 2010, à Tours, avec une idée simple : cent personnes s’engagent à verser chacune au moins cinq euros par mois pendant deux ans, afin de procurer un logement à une famille et de l’accompagner jusqu’à ce qu’elle retrouve son autonomie.

Soixante-dix collectifs

Jean-Luc Morigny fut l’un des premiers adhérents : « Nous étions une vingtaine à nous retrouver lors de cercles de silence, en soutien aux sans-papiers, et on se cotisait pour que des familles aillent à l’hôtel. Jeannette et Philippe Garnier ont réfléchi à une solution pérenne, qui fasse aussi vivre la mémoire de l’abbé Pierre. » 100 pour 1 a ainsi intégré Emmaüs, proposant une solution complémentaire aux communautés du même nom, souvent réservées aux personnes isolées.

« Pas grand monde pensait qu’on y arriverait, nous compris », raconte l’ancien bouquiniste, aujourd’hui âgé de 79 ans. Et pourtant… L’association tourangelle compte désormais 700 adhérents. Quatorze familles sont logées et accompagnées par des bénévoles. Une dizaine d’autres n’en ont plus besoin. « Il y a même une famille d’Albanais qui a acheté une maison, et une autre un appartement », salue la présidente, Sophie Jouhet, orthophoniste à la retraite.

L’association 100 pour 1 a aussi réussi à essaimer, partageant conseils et statuts. Environ soixante-dix collectifs se sont constitués à travers la France, mais seulement un en Ile-de-France, où le montant des loyers a découragé les contributeurs potentiels − c’est pourtant là que les personnes à la rue sont les plus nombreuses. Une petite part de ces collectifs s’est affiliée à Emmaüs. « L’important est que cela se développe, que chacun puisse faire quelque chose sur le terrain, alors qu’il y a toujours des personnes à la rue, exilées ou non, fait valoir le président d’Emmaüs France, Antoine Sueur. 100 pour 1 est un beau prolongement de l’appel que l’abbé Pierre a lancé il y a tout juste soixante-dix ans. »

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