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Le pacte social allemand mis à mal par l’extrême droite

Michael Brecht, président du conseil des salariés de l’usine Daimler Truck de Gaggenau, dans le Bade-Wurtemberg (Allemagne), le 17 novembre 2021.

Quand on lui demande à quel moment les conflits dans son unité de production ont commencé à être difficiles à gérer, elle répond sans hésiter : « Il y a trois ans, au moment de la pandémie liée au Covid-19, se souvient-elle. On a eu des positions irréconciliables sur la vaccination parmi les salariés. Cela a laissé des traces. » Katharina Bayer, qui préfère ne pas donner son vrai nom, est contrôleuse qualité chez le constructeur allemand Daimler depuis vingt-huit ans. Elle est « personne de confiance » dans l’usine de véhicules utilitaires lourds de Gaggenau, près de Karlsruhe, dans le Bade-Wurtemberg.

En tant que telle, elle est chargée d’écouter les problèmes parmi ses collègues et de les faire remonter au Betriebsrat, le conseil des salariés. L’organe jouit d’une grande importance dans la gestion de l’entreprise en Allemagne, grâce aux lois sur la codécision (Mitbestimmung), qui garantissent aux représentants des salariés la moitié des sièges au conseil de surveillance des grandes entreprises. Interlocutrice privilégiée, Katharina a une connaissance très fine des ressentis des cols bleus de l’entreprise.

Gaggenau a une réputation de paradis envié du dialogue social et de la codécision. C’est aussi la plus vieille usine automobile d’Allemagne, toujours exploitée par Daimler Truck, la division poids lourds de Daimler, séparée de Mercedes-Benz depuis 2019. Elle est sise dans l’une des régions les plus prospères du pays, berceau de son histoire industrielle. Des fonderies s’y sont développées au XVIIe siècle. Depuis, le travail du métal puis le développement des machines et de l’automobile ont fait la prospérité de cette bourgade proche de la frontière française, où travaillent de nombreux Alsaciens. A Gaggenau, 5 000 salariés à haut revenu sont employés, et 85 % sont membres du syndicat IG Metall, un niveau très élevé. L’ambiance est restée rurale et familiale. A la cantine baignée de lumière, des retraités du site qui habitent encore le coin continuent de se retrouver à midi autour de la traditionnelle assiette de saucisses-lentilles.

Pourtant, quelque chose s’est grippé ici, comme ailleurs en Allemagne. « Depuis trois ans, les positions des gens se sont durcies. C’est devenu plus difficile de trouver un consensus », déplore Jürgen Müller, employé dans les services logistiques, et également « personne de confiance » depuis plusieurs années dans l’entreprise.

« Les gens remettent en cause ce qu’ils entendent bien plus qu’avant. Beaucoup sont inquiets, à cause de tout ce qui est en train de changer. » Les grands sujets sont le passage à la mobilité électrique et la décarbonation des systèmes de chauffage, deux thèmes actuellement poussés par le gouvernement. « Le plus souvent, les collègues disent : “Pourquoi nous en Allemagne ? Le monde est si grand ! Qu’est-ce que cela apporte si nous faisons des efforts et qu’autour de nous tout le monde fait ce qu’il veut ?” C’est quelque chose que les gens ne comprennent pas », témoigne Katharina.

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