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Dans la nuit arctique, une nouvelle proie nommée méduse

Des amphipodes charognards, à Kongsfjorden, dans l’archipel du Svalbard, en Norvège. Ces crustacés se nourissent de cadavres de méduses.

Les méduses n’ont jamais eu bonne presse. La faute aux piqûres des plus agressives d’entre elles. Mais plus largement à une idée reçue qui voulait que, dans la grande chaîne du vivant, ces créatures visqueuses représentaient un « cul-de-sac trophique », une jolie manière de dire qu’aucune autre espèce ne la trouvait à son goût. Quel intérêt pouvait donc receler un animal à 95 % aqueux au milieu des eaux ? Les scientifiques du XXe siècle auraient pourtant dû se méfier. Puisque en Chine des centaines de millions d’humains la considèrent comme un mets de choix, il ne fallait pas exclure que d’autres espèces aient pu profiter du filon.

Depuis vingt ans, les études se sont ainsi multipliées. Des traces de méduses ou de cousines gélatineuses tels les hydrozoaires ou les cténophores ont été retrouvées dans les entrailles de poissons (églefins, bars, éperlans), d’oiseaux, de crustacés. Mais toujours en quantité réduite. Dans une étude publiée le 14 février dans la revue Frontiers in Marine Science, une équipe de biologistes marins vient de montrer que, dans la nuit arctique, ces créatures pourraient bien jouer un rôle alimentaire majeur.

Spécialisée dans l’étude de ces êtres gélatineux, l’équipe de Charlotte Havermans, à l’Institut allemand Alfred Wegener, avait décidé d’explorer les eaux du Kongsfjorden. Situé dans l’ouest du Svalbard, l’archipel le plus septentrional de la Norvège, ce fjord est devenu « une sorte de sentinelle de ce que nous nommons l’“atlantisation” de l’Arctique », explique la chercheuse. Les températures de l’eau s’y réchauffent plus que partout ailleurs, et de nouvelles espèces s’y installent. Quel rôle les méduses allaient-elles jouer ? Quels prédateurs allaient pouvoir s’en délecter ? « Nous n’avions évidemment pas la réponse, mais vu la quantité d’espèces que nous observions, des grandes méduses à crinière de lion aux minuscules hydrozoaires, nous étions convaincus de trouver quelque chose », poursuit la biologiste marine.

Détection par l’ADN environnemental

Comme les scientifiques aiment la difficulté et les terrains peu arpentés, Charlotte Havermans et ses collègues ont posé leurs pièges dans la nuit arctique, en janvier et février 2022. Deux petits crustacés les ont rapidement remplis : Orchomenella minuta et Anonyx sarsi. Deux espèces d’amphipodes exclusivement charognardes. Les chercheurs ont alors passé leur bol alimentaire au crible de cette nouvelle et puissante méthode qu’est l’ADN environnemental. Elle consiste non plus à rechercher des morceaux d’aliments préservés, mais de simples traces génétiques.

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