S’adapter au changement climatique en cours et enrayer l’effondrement de la biodiversité nécessitent des investissements privés et publics de l’ordre de 2 % à 3 % du PIB européen. La puissance publique doit favoriser la sortie des énergies fossiles et le développement de modèles sobres, propres, circulaires et bas carbone. Plusieurs politiques publiques et instruments (planification et fiscalité écologiques, programmes d’investissements publics, normes et règlements, communication, formation…) doivent être mobilisés au niveau de l’Union européenne, des Etats membres, des collectivités publiques et des régulateurs.
Malheureusement, depuis bientôt deux ans, la remontée des taux d’intérêt par la Banque centrale européenne (BCE) a pour conséquence de freiner les investissements qui permettraient de se prémunir de futures crises des prix énergétiques, et donc de renforcer la stabilité des prix à moyen terme. En effet, la remontée des taux directeurs de 0 % à 4,5 % pour lutter contre l’inflation a un effet relativement plus grave pour l’industrie des énergies renouvelables et pour les investissements dans l’efficacité énergétique des bâtiments que pour le reste de l’économie ou les énergies fossiles.
Pourquoi ? Parce que ces investissements sont très intensifs en capital, en remplaçant de fait des flux d’énergie fossile par des équipements physiques. Depuis notre expérience de terrain, nous observons que l’augmentation des taux d’intérêt a augmenté le coût de la génération d’électricité verte d’environ 15 à 20 euros par mégawattheure. Ces chiffres sont corroborés par une étude néerlandaise (Impact on rising interest rates on sustainable projects, Rutger Bianchi, Wouter Verbeek et Timothy Bender, Berenschot, mai 2023) et par une étude plus récente de la banque Lazard (Levelized Cost of Energy+, 2024).
Une proposition du président Emmanuel Macron
Quant à la rénovation des bâtiments, sa rentabilité, déjà faible, a été réduite encore par la remontée des taux de la BCE. Ces effets négatifs seraient pourtant évitables, comme l’a appelé de ses vœux le président de la République dans son discours à la COP28 ainsi que dans sa tribune au Monde, « Emmanuel Macron : « Nous devons accélérer en même temps sur le plan de la transition écologique et de la lutte contre la pauvreté » (Le Monde du 29 décembre 2023). Une tribune dans laquelle le président précisait : « Nous avons besoin d’un taux d’intérêt vert et d’un taux d’intérêt brun. »
Concrètement, la BCE pourrait appliquer des taux d’intérêt moins élevés au refinancement des prêts bancaires alloués à la transition écologique, aux énergies renouvelables, à la rénovation performante et globale du parc immobilier, aux batteries, à l’économie circulaire, à l’hydrogène, à l’acier bas carbone, etc. Ce taux préférentiel inciterait par exemple les banques à déployer des offres de prêts à la rénovation, en répercutant en partie le différentiel de taux aux emprunteurs, ce qui renforcerait également les mécanismes existants tels que l’éco-PTZ et les initiatives prises récemment par la Caisse des dépôts.
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