Imaginez la scène au petit matin : pendant la nuit s’est déposée au sol une fine couche de neige qu’un soleil radieux illumine. L’occasion ou jamais de faire un bonhomme de neige avec les enfants (ou les petits-enfants…). Il faut vite les réveiller, servir leur petit déjeuner, chaudement les habiller. Mais, le temps de se préparer, la chaleur de notre étoile a fait son œuvre et de ventru bonhomme tout blanc il n’y aura point. Tout juste pourra-t-on former quelques menues boules de neige. C’est ce scénario, adapté à un contexte astronomique, qu’une équipe internationale raconte jeudi 29 février dans Science : elle a observé que le rayonnement d’étoiles très lumineuses faisait s’évaporer le gaz contenu dans un disque protoplanétaire et y empêchait la formation de planètes géantes analogues à nos Jupiter et Saturne.
La scène que ces astrophysiciens ont regardée se déroule dans la nébuleuse d’Orion, la plus proche des pouponnières d’étoiles, qui se situe à moins de 1 300 années-lumière. Pouponnière car, comme l’explique Olivier Berné, directeur de recherche au CNRS à l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie (IRAP) et premier auteur de l’étude de Science, « la nébuleuse d’Orion a tout au plus quelques millions d’années. Soit un millième de l’âge du Système solaire, qui est de plus de 4,5 milliards d’années, et on peut vraiment dire qu’on assiste à la petite enfance de ces étoiles ».
C’est le moment où, dans les disques de gaz et de poussières qui entourent les soleils naissants, se forment les planètes. A l’aide du plus puissant instrument actuellement à leur disposition, à savoir le télescope spatial James-Webb (JWST), les chercheurs se sont focalisés sur le disque protoplanétaire nommé d203-506. Il abrite une étoile naine, invisible car cachée par la matière du disque. Cet astre masqué n’est cependant pas tranquille dans son coin de nébuleuse car, à quelques années-lumière seulement, se trouve l’amas du Trapèze, un groupe d’étoiles dont certaines sont très grosses et brillantes. « La plus massive, précise Olivier Berné, a une luminosité cent mille fois supérieure à celle du Soleil. »
Phénomène de photoévaporation
Pour d203-506, cet étincelant voisinage n’est pas sans conséquence, car il émet un rayonnement très énergétique, composé d’ultraviolets (UV) et de rayons X. Grâce aux instruments du JWST, les astrophysiciens ont pu déterminer à quel point la surface du disque était chauffée par cette lumière. Température estimée : un millier de degrés Celsius. Or, rappelle le chercheur de l’IRAP, « la température, c’est la mesure de l’agitation des particules. Quand elles s’agitent trop, elles peuvent acquérir une vitesse telle qu’elle leur permet de s’échapper du champ gravitationnel ». Pour le dire autrement, le disque protoplanétaire perd son gaz.
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