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Gaza : l’injustifiable politique de la terre brûlée d’Israël

La « doctrine de Dahiyé », autrement dit l’emploi par l’Etat hébreu d’une force armée disproportionnée, est un héritage de la guerre qui avait opposé l’armée israélienne au Hezbollah, à l’été 2006. Elle renvoyait à la destruction d’un quartier de la banlieue sud de Beyrouth, bastion de la milice chiite. Cinq mois après le début de la riposte israélienne à Gaza en réponse aux massacres de civils par des miliciens du Hamas, le 7 octobre 2023, l’analyse d’images satellites témoigne de son application méthodique à la quasi-totalité des villes de l’étroite bande de terre.

Le libre cours donné à la puissance de feu a pour conséquence d’abolir la distinction entre cibles civiles et militaires. L’armée israélienne en rejette la responsabilité sur la milice du fait de l’imbrication de ses infrastructures dans le tissu urbain de Gaza, l’un des territoires dont la densité de population est la plus élevée au monde. L’argument tactique est cependant relativisé par les déclarations des responsables israéliens qui pointent ouvertement un autre objectif.

« Quiconque reviendra ici, s’ils reviennent ensuite, trouvera une terre brûlée. Pas de maisons, pas d’agriculture, rien. Ils n’ont pas d’avenir », indiquait ainsi le 4 novembre le colonel Yogev Bar-Shesht, un responsable de l’administration civile (en fait, militaire) chargée des territoires palestiniens.

Etat de siège

Les témoignages publiés par Le Monde donnent tout son sens à la formule de la terre brûlée. Elle vise tout autant la mémoire, avec la profanation à une échelle industrielle des cimetières de Gaza, que l’avenir, justement, du fait de la destruction des universités de l’étroite bande de terre et de centaines d’écoles.

En janvier déjà, les Nations unies estimaient que les neuf dixièmes avaient subi des « dommages significatifs ». Et les dévastations ne s’arrêtent pas là. Les images satellites montrent aussi les dommages infligés par les opérations de l’armée israélienne aux terres agricoles sur lesquelles pèse en outre la menace de la création d’une zone tampon le long du territoire israélien.

La frustration exprimée par les alliés occidentaux d’Israël à propos des difficultés d’acheminement de l’aide alimentaire vers un territoire menacé d’une famine créée de toutes pièces par l’Etat hébreu préfigure la bataille qui devrait être impérativement livrée pour rebâtir Gaza, une fois les combats achevés et les otages encore vivants enfin libérés, un horizon qui ne cesse malheureusement de s’éloigner. L’aide et la reconstruction vont de pair. Contrairement aux villes ravagées récemment par des opérations militaires au Proche-Orient, Gaza risque en effet de rester en état de siège.

Sans pressions réelles sur l’Etat hébreu, aucune reconstruction véritable ne pourra être menée à bien dans une bande de Gaza rendue en bonne partie inhabitable. Mais il est inutile d’invoquer la solution des deux Etats si ce territoire martyrisé reste un champ de ruines. Les efforts des Etats-Unis et des Européens, qui prétendent tous à un rôle dans ce conflit, devraient porter en priorité sur la levée des obstacles dressés par l’Etat hébreu. Dans ce contexte tragique, les largages alimentaires effectués par les Etats-Unis et d’autres pays pour tenter de répondre à l’urgence ne doivent pas être pris pour autre chose que ce qu’ils sont : une preuve d’impuissance face à l’intransigeance israélienne, ou d’absence de volonté.

Lire aussi l’entretien | Article réservé à nos abonnés Gaza : « On ne peut pas nourrir deux millions de personnes avec des largages »

Le Monde

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