Céline Imart parle vite. L’accent chante par pointe et les sujets fusent. A 41 ans, la numéro deux sur la liste du parti Les Républicains (LR) aux élections européennes du 9 juin a déjà eu plusieurs vies. La dernière l’amène mardi 5 mars à la brasserie Le Bourbon, à Paris, lieu de rendez-vous incontournable des parlementaires. Il y a quelques semaines, elle s’activait sur le barrage de l’A68 chez elle dans le Tarn, première graine d’une colère agricole. Mais, avant d’évoquer son engagement politique récent, la céréalière, à la tête d’une exploitation de 230 hectares proche de Cuq-Toulza (Tarn), digresse. « Adolescente, j’ai été happée par le Chili à travers les livres de Pablo Neruda et les poèmes de Gabriela Mistral, alors je m’étais juré d’y aller », dit-elle pour évoquer une ligne moins romanesque sur son CV, directrice financière d’une filière du groupe Bolloré à Santiago.
La Tarnaise s’étonne de la surprise suscitée par son profil. « J’entends que je ne pourrais pas vraiment être une agricultrice parce que j’ai fait Sciences Po et l’Essec. Mais c’est quoi cette vision méprisante des agriculteurs ? » Elle assume ce parcours de bonne élève, avant la bifurcation à 28 ans pour reprendre la ferme familiale. Cinq générations l’ont précédée mais ses parents l’imaginaient mener une carrière à l’international. « J’avais besoin d’un métier avec du sens », dit-elle. Un besoin déjà éprouvé à Sciences Po Paris, où la Rue Saint-Guillaume lui paraît « une île coupée du réel à voir le monde en deux parties et deux sous-parties ».
Pour mener cette campagne européenne, cette mère de famille a pris ses dispositions mais garde encore un pied dans la terre. « Quand je l’appelle, elle est une fois sur deux sur son tracteur », dit en souriant la tête de liste LR, François-Xavier Bellamy. Le choix de Céline Imart est d’abord celui d’Eric Ciotti. Le président de LR la présente comme « le visage de l’avenir de nos territoires ruraux méprisés et oubliés par le pouvoir actuel ». Au sein du parti, où elle a récemment pris sa carte, l’étonnement initial face aux choix d’une presque inconnue laisse place aux éloges. « Ciotti eu du pif avec elle », salue le député LR de la Loire Antoine Vermorel-Marques.
« Haranguer les politiques »
Son style commence à imprimer. Pour sa première matinale sur BFM-TV, le 26 février, la novice critique Emmanuel Macron, en l’accusant de gérer la crise agricole « comme une grève à la SNCF ». Dans les allées du Salon de l’agriculture, l’équipe de M. Ciotti et l’entourage de M. Bellamy s’échangent les messages qui vantent le répondant de leur candidate. L’intéressée, elle, découvre le Salon « de l’autre côté de la barrière ». Comme porte-parole d’Intercéréales (l’interprofession des céréaliers), elle « aimait haranguer les politiques », une habitude prolongée sur les plateaux télé. En 2016, elle accuse Jean-Luc Mélenchon sur France 2 d’« insulter les agriculteurs français ». Le leader « insoumis » lui rend la politesse : « Vous êtes en train d’épuiser la terre avec les pesticides. »
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