Les lecteurs du livre du journaliste Rachid Laïreche François Ruffin. La revanche des bouseux (Les Arènes, 2021) se souviennent peut-être de « Johanna », ce personnage mystère que le narrateur cherche en vain, comme une clé susceptible d’éclairer son sujet. Il s’agissait en réalité de Johanna Silva, ancienne attachée parlementaire de François Ruffin (en 2017 et 2018). Artisane de la victoire de ce dernier aux élections législatives de 2017, dans la Somme, sous l’étiquette de La France insoumise (LFI), la jeune femme de 35 ans sort de l’ombre en son nom après des années de silence.
Dans un livre intitulé L’Amour et la révolution (Textuel, 288 pages, 21,50 euros), paru le 6 mars, elle livre un récit, parfois déstabilisant, entre l’intime et le politique. Deux espaces qui sont rarement traités ensemble, mais que Johanna Silva tente de faire coïncider dans un texte en forme de reconquête féministe.
Quand commence le récit, en 2013, Johanna Silva a à peine 25 ans. François Ruffin n’est encore qu’un autodidacte amiénois de la politique qui écrit son journal, Fakir, avec une petite équipe. « Il était vieux, un adulte pour de vrai. Pire : un père », se souvient avoir pensé la jeune diplômée de Sciences Po Lille. Juste avant d’entamer avec lui une relation amoureuse, dont elle se demande désormais si elle mérite ce nom-là.
Fatigue et désillusions
D’abord bénévole, Johanna Silva intègre l’équipe de Fakir. Du tournage du documentaire Merci patron ! au mouvement Nuit debout sur la place de la République (Paris), en 2016, et jusqu’à la campagne des élections législatives de 2017, elle devient indispensable dans l’organisation de la galaxie ruffiniste, la production de ses films, l’animation militante. « Avec François, je pouvais faire n’importe quoi. N’importe quoi ou presque. Il me poussait dans les domaines dans lesquels je lui étais utile. En ce qui concernait l’écriture, ou la prise de parole publique, il était beaucoup moins pressant », remarque-t-elle.
Elle donne à voir les hauts et les bas du militantisme à gauche. Après l’effervescence des premières « nuits debout », elle raconte la fatigue et les désillusions : « C’est chouette, que les gens aient enfin un espace de parole, et s’il y a un tel succès, c’est qu’il y avait un besoin. Mais je n’en peux plus, moi, de cet éternel recommencement. »
Au fil des années, les dissonances apparaissent. Dans un meeting au Havre avec Assa Traoré, la sœur d’Adama Traoré – mort dans le cadre d’une interpellation par des gendarmes à Beaumont-sur-Oise (Val-d’Oise), à l’été 2016 –, en tout début de mandat, François Ruffin refuse de s’engager à porter sa cause à l’Assemblée nationale : « Avant de m’engager à quoi que ce soit, je dois mener l’enquête », répond-il. « Sur les violences policières, (…) c’est comme s’il ne lui était pas rentré dans le crâne qu’elles étaient le fait d’un système et non des bavures isolées », estime Johanna Silva.
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