Le Parlement français se réunit lundi après-midi en Congrès pour inscrire l’IVG dans la Constitution. La France s’apprête ainsi à devenir le premier pays au monde à inscrire le droit à l’avortement dans son texte fondamental.
Dans le décor solennel du château de Versailles, le Parlement se réunit lundi 4 mars en Congrès pour faire de la France le premier pays au monde à inscrire explicitement dans sa Constitution l’interruption volontaire de grossesse (IVG).
« La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. » Introduite à l’article 34, la phrase fera de la France une pionnière, à rebours de plusieurs pays où le droit à l’avortement recule, aux États-Unis ou en Europe de l’Est.
« Quand les droits des femmes sont attaqués dans le monde, la France se lève et se place à l’avant-garde du progrès », a lancé sur X le Premier ministre, Gabriel Attal, qui prendra la parole après l’ouverture du Congrès à 15 h 30, pour concrétiser la promesse du président de la République, Emmanuel Macron.
Le chef du gouvernement sera accompagné par ses ministres Marie Lebec (Parlement), Éric Dupond-Moretti (Justice) et Aurore Bergé (Égalité femmes-hommes) pour le vote. « Souvent, on a galvaudé le mot d »historique’, mais là, je crois que c’est approprié », a estimé cette dernière sur TF1 lundi matin.
« Pas de suspense »
À quatre jours du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, et au cinquantième anniversaire du vote de la loi Veil ayant légalisé l’avortement en France en 1974, la réunion du Congrès parachève une longue bataille politique initiée par la gauche, portée par les associations féministes et finalement embrassée par le gouvernement.
Une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés est requise pour approuver la révision constitutionnelle, la première depuis 2008. Elle devrait être atteinte sans difficulté, après les votes massifs de l’Assemblée nationale (493 députés contre 30) et du Sénat (267 voix contre 50) en sa faveur.
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« Il n’y a pas de suspense, mais le moment est crucial », a résumé lundi sur France 2 Yaël Braun-Pivet, la présidente de l’Assemblée nationale, première femme à présider un Congrès, évoquant « un moment important pour les femmes du monde entier ».
En l’inscrivant dans la Constitution, la France « érige l’IVG au rang des libertés fondamentales », a salué la sénatrice socialiste Laurence Rossignol, sur franceinfo.
« C’est aussi inscrire dans la Constitution que la liberté ne se décline pas tout à fait de la même manière quand on est un homme et quand on est une femme », a souligné un peu plus tard au même micro la députée écologiste Sandrine Rousseau.
Le Sénat « pas imperméable au pays »
Même la droite et l’extrême droite, historiquement opposées ou politiquement sceptiques, ont fini par voter majoritairement pour la réforme.
Le vote du Sénat, longtemps considéré comme le principal verrou au projet, a notamment été frappant, avec un écart de voix inattendu dans un hémicycle encore très circonspect il y a un an.
Opposés à la réforme, les trois hommes forts de la Haute assemblée – le président Gérard Larcher (Les Républicains, LR) et les chefs de file LR Bruno Retailleau et centriste Hervé Marseille – ont ainsi été désavoués dans leurs rangs.
« Nous avons montré que nous étions plus forts qu’eux », a savouré l’écologiste Mélanie Vogel, en première ligne sur cette réforme au Sénat.
« Le Sénat, y compris la droite sénatoriale, n’est pas imperméable au pays », s’est félicitée Laurence Rossignol, alors que la constitutionnalisation de l’IVG est soutenue par plus de 80 % des Français selon divers sondages.
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« Moment historique »
La formulation retenue « ne crée pas de droit opposable (et) ne fait que redire quel est le rôle du Parlement », a expliqué lundi sur France Inter la sénatrice LR Agnès Canayer, qui fait partie de ceux qui ont « changé d’avis ».
« On arrive à avoir ce moment historique et moi, je suis très honorée d’être la première à l’avoir fait voter à l’Assemblée », s’est félicitée la présidente du groupe La France insoumise, Mathilde Panot.
Le texte de cette dernière, adopté au Palais Bourbon en 2022, évoquait le « droit » à l’avortement.
Après de longs débats juridiques, la rédaction a finalement évolué vers une version de compromis au profit d’une « liberté garantie », défendue par le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, auprès des parlementaires les moins convaincus.
Jusqu’au résultat du vote, attendu à partir de 18 h 30, les associations de défense des droits des femmes auront les yeux rivés sur Versailles, où les orateurs des différents groupes politiques rappelleront successivement leur position.
Alors que les opposants à l’IVG ont annoncé une mobilisation à Versailles dans l’après-midi, les partisans de la réforme se sont donné rendez-vous au Trocadéro, à Paris, où une retransmission du vote sur écran géant est organisée à l’initiative de la mairie et de la Fondation des femmes.
Avec AFP