Histoire d’une expression. La formule est devenue un incontournable mantra du débat public. A chaque campagne électorale, elle revient en force sur les plateaux télé et les réseaux sociaux. Qu’il s’agisse de limiter la vitesse en ville, de freiner le recours aux pesticides, d’isoler les passoires thermiques, rares sont les mesures en faveur du climat ou de la biodiversité qui échappent désormais à l’anathème.
Pour autant, l’« écologie punitive » reste un slogan aux contours assez flous, qui se caractérise surtout par les qualificatifs qui lui sont associés. Elle est tour à tour « moralisatrice, voire sectaire » (Jean Castex, juillet 2020), « autoritaire et antisociale » (Valérie Pécresse, août 2021), « soupçonneuse » (Eric Zemmour, 2022), « catastrophiste » (Jordan Bardella, avril 2023), « brutale » (Gabriel Attal, janvier 2024). A moins qu’elle ne soit accolée à la figure de l’« ayatollah » ou du « khmer vert », comme le répète Marine Le Pen.
Si la formule a le mérite de mettre en lumière les enjeux de justice sociale des réponses à apporter aux crises écologiques, elle se révèle trop souvent, pour celles et ceux qui y ont recours, comme un outil efficace pour freiner tout changement de modèle lorsqu’il n’est plus possible de nier l’évidence des catastrophes.
« Procès en punition »
L’« écologie punitive » apparaît en politique dans les années 2000, au détour de discours de personnalités pas vraiment « réputées pour être des fervents défenseurs de l’environnement », décrit l’ancien conseiller au ministère de la transition écologique, Léo Cohen, qui en a retracé la généalogie dans 800 jours au ministère de l’impossible. L’écologie à l’épreuve du pouvoir (Les Petits Matins, 2022).
Le premier à l’utiliser est Frédéric Nihous, président du parti Chasse, pêche, nature et tradition, dans un clip de la campagne présidentielle de 2007. La formule est reprise un an plus tard par l’ancien ministre de l’éducation nationale Claude Allègre, climato-négationniste revendiqué, rallié à Nicolas Sarkozy. En 2010, le premier ministre de l’époque, François Fillon, l’intègre à son discours de politique générale, avant que Xavier Beulin, président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), ne s’en empare en 2012.
C’est pourtant Ségolène Royal, alors ministre socialiste de l’environnement, qui lui offre ses lettres de noblesse en 2014, lorsqu’elle renonce à l’écotaxe – redevance visant à faire participer les entreprises du transport routier aux coûts des infrastructures – au nom d’une écologie qui ne soit « pas punitive ». « A compter de cette date, toute action volontariste au service de l’environnement sera sujette à un procès en punition », raconte Léo Cohen. Si le slogan reste occasionnel à gauche, il est largement adopté à droite et à l’extrême droite, et s’installe dans le débat public comme un gimmick bien pratique.
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