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A Mayotte, les élus veulent instaurer un nouveau rapport de force avec le gouvernement

Un barrage routier mis en place par les habitants pour protester contre les conditions de vie et l’insécurité sur l’île de Mayotte, le 13 février 2024.

Persona non grata sur les barrages qui ont paralysé Mayotte, à partir du 22 janvier, pendant cinq semaines, les élus de l’île ont réussi contre toute attente à renverser cette défiance. En s’affichant aux côtés des manifestants des Forces vives, ils ont désormais l’ambition d’instaurer un nouveau rapport de force avec le gouvernement dans l’élaboration de la future loi sur Mayotte, présentée au gouvernement le 22 mai. « Je ne dis pas que les élus mahorais sortent gagnants de cette crise, mais je considère que le lien s’est renforcé avec la population », estime Ben Issa Ousseni, président du conseil départemental de Mayotte.

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Comme celles de 2011 et 2018 ayant aussi provoqué le blocus de l’île, la contestation ciblait pourtant violemment les élus, en leur reprochant leur incapacité à faire entendre la voix de Mayotte à Paris en matière de lutte contre l’immigration clandestine et la délinquance. Ces dernières années, ce rejet de la classe politique locale s’est nourri d’autres ferments : l’incurie dans la gestion de l’eau, et une cascade d’affaires judiciaires avec, notamment, la destitution de deux maires ou encore les comparutions en correctionnelle de plusieurs élus du département pour des affaires de détournements de fonds et de marchés publics.

Lors de sa venue à Mayotte, le 11 février, pour annoncer la suppression du droit du sol dans l’île, Gérald Darmanin a ouvertement exprimé un manque de confiance à l’égard de certains élus locaux. Le ministre de l’intérieur et des outre-mer a fustigé « la bonne société mahoraise parfois complice », coupable, selon lui, de faire venir des travailleurs étrangers, ou qui monnaye des certificats de paternité contre plusieurs centaines d’euros. M. Darmanin n’a pas caché cibler certains élus.

Une place à la table des négociations

Focalisés sur l’insécurité et l’immigration clandestine, les barragistes ont d’emblée affiché leur hostilité contre les responsables politiques locaux. « Nous avons voulu dire aux élus qu’ils n’étaient pas à la hauteur, revendique Safina Soula, l’une des leaders des Forces vives. Finalement, nous avons repris la situation en main. » La nouveauté est que « la société civile et les élus rangés à ses côtés ont fini par se mettre d’accord face à l’Etat », nuance Saïd Kambi, l’une des têtes d’affiche du collectif, qui a longtemps prôné la poursuite du mouvement dans un « territoire oublié par la République ».

« Ce qui a été gagné l’a été par le cri des manifestants, ajoute M. Kambi. Et les élus, malgré leur légitimité venue des urnes, ont vite compris qu’ils ne pouvaient pas contester la légitimité du mouvement. » Raison pour laquelle les leaders du mouvement ont pris place à la table des négociations avec Gérald Darmanin. « Les élus ont tiré une leçon : les Mahorais sont réveillés », analyse Abdou Badirou, autre leader emblématique. Avec une double conséquence, selon lui : « Les élus se sont retrouvés autour de ce mouvement. Et cela a permis à l’Etat de prendre conscience qu’ils existaient. »

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